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de la peinture à l’huile sont plus nombreuses, plus variées, plus puissantes ; la peinture à fresque est rarement parvenue à modeler les figures comme la peinture à l’huile. Cependant la voûte de la chapelle Sixtine, les Prophètes, les Sibylles, le Jugement dernier, peuvent se comparer pour le relief aux ouvrages les plus parfaits exécutés par le procédé nouveau. Ce que les gens du monde ignorent généralement, c’est que la peinture à fresque, plus ancienne que la peinture à l’huile, n’admet aucun tâtonnement, aucune retouche. Tout ce qui n’est pas fait au premier coup sur le pan de muraille préparé le matin même est condamné sans pitié à la destruction. La fresque ne connaît pas de repentirs. Pour écrire sa pensée sur l’enduit calcaire appliqué le matin, il faut savoir d’avance et parfaitement ce qu’on veut dire. Si le pinceau tente de corriger le lendemain ce qui a été fait dans la journée, la muraille refuse d’accepter la correction. Le seul moyen d’amender l’expression de sa pensée, c’est d’abattre ce qui déplaît. C’est pourquoi Michel-Ange, qui ne prenait jamais le pinceau avant d’avoir contemplé en lui-même son œuvre entière, telle qu’il la voulait, telle qu’il espérait l’achever, disait de la peinture à l’huile : « C’est une besogne de femme. » Sa nature répugnait aux tâtonnemens, et le procédé nouveau lui semblait inventé pour venir au secours de la faiblesse.

Sans accepter dans toute sa rigueur le jugement prononcé par un homme dont personne ne peut songer à discuter la compétence, les gens du métier reconnaissent d’une voix unanime que la peinture à fresque ne s’accommode pas de facultés ordinaires, tandis que la peinture à l’huile admet tous les degrés d’intelligence, et se plie aux volontés les plus incertaines. Il y a tel talent très justement applaudi qui, en remaniant vingt fois une pensée d’abord incomplète, a réussi à conquérir la renommée, et qui fût demeuré obscur, si le procédé nouveau ne lui eût permis des ratures nombreuses. Titien, dans le Saint Christophe du palais ducal et dans le couvent de Saint-Antoine de Padoue, a prouvé surabondamment qu’il pouvait se passer de ratures. Cette dernière série de compositions, envisagée au point de vue poétique, n’est supérieure ni à l’Assomption, ni à la Présentation de la Vierge au temple ; elle mérite pourtant une attention particulière pour une raison purement technique. La plupart des peintres qui ont employé ce procédé dans les églises et les couvens d’Italie n’ont pas essayé d’introduire dans leurs ouvrages des tons aussi vifs que les tons mis en usage dans l’application du procédé nouveau. La Vie de saint Antoine de Padoue fait exception dans l’histoire. Titien, qui ne tâtonnait pas et qui voyait toutes les figures sous un aspect radieux, n’a pas voulu, en se servant du procédé ancien, renoncer aux effets qu’il obtenait par