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Ainsi ces chants éclos sous cette main charmante
Ont refait mon cœur pur et mon âme innocente.
Ainsi des jours anciens le chaste souvenir
Est la clé d’or qui seule a le don de rouvrir,
Talisman précieux, infaillible sésame,
L’écrin longtemps fermé des purs trésors de l’âme.


LE RENOUVEAU DES AMES.


Après les jours brumeux des froids soleils d’hiver,
Quand un rayon plus chaud descend du ciel ouvert,
Lorsque des champs en herbe et des grasses prairies
Vient le parfum nouveau des luzernes fleuries,

Des portes de la ville aux féodales tours,
Vous voyez, revêtus des habits des grands jours,
Sortir à flots pressés, foule sereine et fière.
Avides d’air plus pur, d’espace, de lumière.
Les pauvres habitans, hommes, filles, vieillards.
Le printemps a passé sur leurs tristes remparts;
Un vent tiède a soufflé dans leurs étroites rues
Et leur a conseillé d’aller aux avenues.
Aux jardins, aux vergers, aux verts chemins des champs.
Voir comme tout verdit et pousse en peu de temps.
Ils ont quitté leurs cours à la fétide haleine.
Leurs antiques logis où le jour entre à peine.
Où dans l’ombre est resté le fauteuil des aïeux.
Et voilà qu’ils s’en vont vers les arbres, joyeux.

Sous la voûte en arceaux de la porte de ville.
Comme l’eau sous le pont, ils passent, flot tranquille :
Ils quittent leurs plafonds enfumés pour l’azur,
La nuit pour le soleil, le cachot pour l’air pur;
Ils renaissent.

Ainsi les esprits et les âmes,
Ranimés on ne sait par quelles saintes flammes,
A de certains momens des siècles, quand Dieu veut,
Passent de l’ombre au jour, du ciel noir au ciel bleu,.
Du blasphème à la foi, du doute à la croyance ;
Du désespoir, prison, à l’espoir, délivrance.
Alors malheur à ceux qui pleurent à l’écart.
Et vers la nue encor tournent un œil hagard!


VALERY VERNIER.


V. DE MARS.