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venait d’être nommé directeur de l’établissement maritime de Batavia. M. Melvill était à peine âgé de quarante ans ; il n’a eu qu’une courte carrière, tout entière dévouée à la science. Ses ouvrages hydrographiques et géographiques sur l’archipel des Indes orientales, ses travaux de statistique et de mesurage des pics les plus élevés de l’archipel indien lui avaient valu une juste réputation, rehaussée par un caractère éminent. Il venait de terminer la première partie d’un grand ouvrage, l’Atlas général de l’Archipel, qui se publie sous les auspices du gouvernement hollandais. Ce travail ne restera point inachevé sans doute, et les élémens rassemblés par le zèle de M. Melvill seront probablement confiés à des mains assez habiles pour terminer une telle œuvre comme on l’avait commencée. N’est-ce point la meilleure manière d’honorer la mémoire d’un homme dont la vie s’est absorbée dans tous les travaux de la science ?

Une crise des plus graves, on peut s’en souvenir, pèse sur un autre pays du nord de l’Europe, sur le Danemark. Cette crise affecte en quelque sorte l’intégrité de la monarchie ; elle met aux prises l’élément danois et l’élément germanique, représenté par le duché de Holstein. De plus, elle s’est compliquée dans ces derniers temps de l’intervention diplomatique de la Prusse et de l’Autriche, qui ont pris en main les droits du Holstein, considérés par elles comme lésés dans l’organisation politique nouvelle du Danemark. Le cabinet de Copenhague avait mis quelque lenteur à répondre aux communications émanées de Berlin et de Vienne ; il vient, à ce qu’il paraît, de préparer une réponse, et de la nature de cette réponse peut dépendre le caractère que prendront ces complications, moins éclatantes que bien d’autres et cependant aussi graves. Toujours est-il que la lutte se poursuit entre les partis, entre les gouvernemens, et elle se reflète dans la presse de l’Allemagne comme dans la presse du Danemark. Chose singulière, les partis, dans l’entraînement de leurs désirs, ont souvent recours à une tactique qui consiste à prêter à leurs adversaires des idées et des vues qui ne seraient de la part de ceux-ci qu’une Inconséquente et irréparable faiblesse. C’est ainsi que la presse allemande, malgré toutes les dénégations, s’obstine depuis quelque temps à prêter au roi de Danemark des projets d’abdication ; elle se fait en cela l’écho des vœux bien connus de l’aristocratie du Holstein, qui, aspirant toujours à reconstituer le passé, n’ignore pas qu’elle trouverait dans le successeur désigné de Frédéric VII un adversaire de ses tendances moins ferme que ce loyal souverain. En réalité, il n’y a absolument rien d’exact dans ces bruits d’abdication, répandus peut-être pour en faire naître l’idée, et propres dans tous les cas à entretenir l’incertitude dans les esprits. Ce qu’il y a de plus grave dans cette crise en effet, c’est qu’elle jette partout l’incertitude, c’est qu’elle met en question non-seulement l’organisation politique du Danemark, mais encore son existence comme état indépendant ; elle rouvre la carrière à toutes les discussions, et les faiseurs d’utopies ne s’arrêtent pas, ils remettent au jour d’anciens projets. L’un de ces projets consisterait tout simplement à enlever au Danemark une partie du Slesvig pour la rattacher au Holstein, et créer avec ce dernier duché, joint au Lauenbourg, un nouvel état indépendant.

Or sur quoi repose cette combinaison ? Elle est évidemment dénuée de toute raison d’être, géographique, historique ou politique. De tout temps le