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qui a mis en quelque sorte à nu toutes les politiques, qui a même été une épreuve pour l’alliance de la France et de l’Angleterre. C’est une difficulté qui disparaît dans l’ensemble des affaires de l’Europe.

N’en sera-t-il point de même de la question de Neuchâtel, de cette autre complication qui était venue subitement rouvrir des perspectives de guerre sur le continent ? Sans être entièrement résolue, la question de Neuchâtel vient du moins de faire un pas décisif ; elle est entrée dans une voie qui ne peut que conduire à une pacification définitive. On sait comment cette singulière affaire était arrivée peu à peu, et presque sans qu’on pût y croire, au degré le plus extrême. La Prusse réclamait la libération immédiate des prisonniers royalistes, tandis que la Suisse ne consentait à cette mesure par voie de réciprocité que moyennant une reconnaissance explicite de l’indépendance de Neuchâtel. Engagés dans une route sans issue, les deux gouvernemens rompaient leurs rapports diplomatiques et se disposaient à une lutte inévitable. Le cabinet de Berlin fixait le 15 janvier comme dernière limite laissée à la possibilité d’une transaction. Jusque-là, la libération des prisonniers royalistes de Neuchâtel était considérée comme un préliminaire suffisant de négociation. Si le terme était dépassé, la Prusse entendait rester maîtresse de ses résolutions comme de ses prétentions. La Suisse, avec un ensemble imposant, se préparait à soutenir le choc : le commandement en chef de l’armée était confié au général Dufour ; il restait à peine quelques jours de trêve avant un éclat peut-être irréparable, lorsque la pensée d’un dernier effort de conciliation s’est offerte naturellement à tous les esprits. On n’a pas oublié que la France avait, il y a deux mois, offert en quelque sorte sa médiation à la Suisse ; elle lui donnait le conseil de mettre en liberté les prisonniers royalistes, et en même temps elle promettait ses bons offices pour obtenir de la Prusse un règlement définitif garantissant l’indépendance de Neuchâtel. Le conseil fédéral déclinait cette offre. On lui proposait une intervention diplomatique amicale, et il réclamait des garanties ; on lui offrait des assurances dont l’effet ne pouvait être douteux, quoiqu’elles n’eussent point le caractère d’une obligation, et il demandait des engagemens. L’assemblée fédérale, mise en présence des événemens, a sanctionné, comme on l’a vu, les actes du conseil exécutif. La vérité est cependant que le comité diplomatique de l’assemblée fédérale a été d’avis, dès le premier instant, que les offres du gouvernement français auraient dû être acceptées. Il pensait avec raison que la démarche du cabinet de Paris était inspirée par une évidente sympathie, que la France, une fois engagée dans une médiation, se trouvait, sinon diplomatiquement obligée, du moins moralement liée, et il en concluait qu’il serait encore de l’intérêt de la confédération de revenir à ces propositions, imprudemment déclinées d’abord.

C’est là ce qui s’est débattu dans ces derniers jours en Suisse ; la conséquence de ces délibérations a été la mission que viennent de remplir en France le docteur Kern et l’envoyé suisse à Paris, le colonel Barman, qui s’était d’abord rendu à Berne. Les représentans de la confédération avaient à s’informer si la France était toujours dans les dispositions qu’elle avait manifestées, ou plutôt, comme cela n’était point douteux, ils étaient chargés d’accepter les propositions précédemment faites par le cabinet de Paris. Tel était donc l’objet de cette mission, dont le résultat est connu aujourd’hui. La