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de l’impatience des Américains du Nord, et chaque jour est signalé par quelque agression nouvelle. Tout seconde cette œuvre d’envahissement, les désordres politiques qui désolent les républiques de l’Amérique centrale, l’esprit de fédéralisme qui y domine, et qui, loin d’être comme aux États-Unis une garantie d’indépendance, n’est plus qu’une marque d’impuissance et un agent de décomposition. Quelques années sont à peine écoulées depuis que le chemin de fer de Panama a été inauguré, et déjà les Américains ne reconnaissent plus les autorités locales de la Nouvelle-Grenade ; l’épisode sanglant du massacre de quelques émigrans, provoqué par le meurtre d’un enfant, leur a fourni un prétexte pour réclamer le droit de faire eux-mêmes la police de l’isthme et d’y entretenir une force armée. Ces prétentions, ces tentatives, toujours plus menaçantes, se rattachent il l’accomplissement de vastes projets que les organes de l’opinion démocratique la plus avancée aux États-Unis ne se donnent plus même la peine de dissimuler. En rétablissant, par un décret récent, l’esclavage dans le Nicaragua, Walker a dévoilé l’esprit qui inspire le parti dont il est l’instrument le plus hardi et le plus aventureux. Si le général américain était parvenu à faire triompher son influence dans le Nicaragua, il espérait entraîner facilement les républiques voisines. Alors le Mexique, dont la dissolution se précipite chaque jour, pressé au sud comme au nord, n’aurait eu d’autre alternative que de succomber dans une lutte inégale, ou de se livrer lui-même à son puissant ennemi.

On ne peut s’empêcher, en comparant dans cette question la conduite récente des États-Unis à celle de l’Angleterre, de remarquer combien celle-ci a apporté de modération et de sagesse dans les débats dont l’Amérique centrale est devenue l’objet. Elle a abandonné volontairement des droits dont la nature était douteuse, il est vrai, mais qu’elle eût pu facilement défendre plus longtemps : elle a restitué à l’état d’Honduras un territoire qu’elle aurait pu continuer à occuper. Cette décision, en même temps que la plus équitable, était aussi la plus rationnelle. Les intérêts les plus puissans de la Grande-Bretagne ne s’agitent pas dans l’hémisphère américain, mais dans celui qui renferme l’ancien monde, et qui, depuis Gibraltar jusqu’à la Nouvelle-Zélande, est semé de ses établissemens. Si l’Angleterre a perdu à la fin du siècle dernier lui vaste empire au-delà de l’Atlantique, elle a étendu en revanche la magnifique conquête de Warren Hastings et de lord Clive jusqu’au pied même de l’Himalaya, et commence à envahir un continent nouveau où elle montre avec orgueil les colonies déjà prospères de Victoria et de la Nouvelle-Galles du Sud. Il lui importe de conserver et de multiplier les communications avec ces possessions lointaines, qui offrent des débouchés