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canal non écluse coûteraient 300 millions, sans compter l’intérêt des capitaux jusqu’à l’entier achèvement de l’entreprise. Ainsi donc, après une longue succession de reconnaissances, de plans et de projets, on se trouve amené aujourd’hui à la conclusion que la sagacité du capitaine anglais Liot avait déjà entrevue : l’ouverture d’un canal dans une partie quelconque de l’Amérique centrale engloutirait des capitaux considérables, et n’attirerait, même en supposant que la Californie ait bientôt un million d’habitans, qu’un trafic insuffisant pour récompenser de si grands sacrifices. La construction de routes ordinaires et de chemins de fer peut seule devenir profitable dans les provinces de l’Amérique centrale.

En soumettant à une analyse attentive l’action que l’ouverture d’un canal interocéanique dans ces contrées exercerait sur la direction des courans commerciaux actuels, on s’assure que le commerce de l’Angleterre et du continent européen est presque désintéressé dans cette entreprise : les États-Unis en recueilleraient tout le fruit, et avec eux naturellement les états de l’Amérique centrale et de l’Amérique du Sud. Par une remarquable coïncidence, dans le nouveau comme dans l’ancien monde, on tente aujourd’hui de percer les isthmes qui séparent les mers pour ouvrir au commerce des voies nouvelles; mais l’on peut dire que ces tentatives sont entièrement indépendantes, et qu’aucune d’elles ne menace l’autre. Pendant que les nations groupées autour du bassin méditerranéen songent à rendre à cette grande mer intérieure son ancienne importance, en l’unissant par l’isthme de Suez avec les mers du Levant, les états de l’Union cherchent à multiplier les voies qui peuvent les rapprocher des états occidentaux et baignés par cet immense Océan-Pacifique, qu’ils considèrent aujourd’hui déjà comme leur empire. Cependant les capitalistes américains savent bien qu’actuellement le transport rapide de l’or et des émigrans à travers l’isthme doit être leur principal objet, et que, pour l’atteindre, des routes ordinaires et des chemins ordinaires sont suffisans. Celui de Panama amène chaque année des milliers de voyageurs et des millions de dollars de San-Francisco à New-York. Une route ordinaire, qui traverse l’isthme de Tehuantepec, est sur le point d’être terminée. La Compagnie de transit a établi un service régulier entre San-Juan-del-Norte et San-Juan-del-Sur, et des steamers américains traversent le magnifique lac de Nicaragua. Enfin il est très sérieusement question de construire prochainement un chemin de fer dans l’état de Honduras.

Les projets de chemin de fer ont pris peu à peu la place des plans ambitieux de ceux qui voulaient faire passer les navires d’un océan à l’autre, et unir par la main de l’homme les eaux séparées