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considérable de navires préféreront suivre la route ancienne et éviter les ennuis du passage à travers l’Amérique centrale.

On voit que l’ouverture d’un canal dans le Nicaragua ne détournerait véritablement que le courant commercial qui se dirige sur les états de la côte orientale de l’Amérique du Nord et sur une partie seulement de ceux de l’Amérique du Sud. Celui qui aujourd’hui rayonne du cap de Bonne-Espérance vers l’Inde, l’Australie et Canton ne serait point modifié, et ceux qui prétendent le détourner au profit de l’Amérique centrale entretiennent une espérance chimérique. Qu’on nous permette de citer encore quelques chiffres plus convaincans que des raisonnemens. Les navires à voiles mettent moyennement 110 jours pour aller d’Angleterre à Sydney et 116 jours pour en revenir par voie du cap de Bonne-Espérance; la longueur de la route est de 14,118 milles en allant et de 13,704 milles en revenant. Par voie du canal de Nicaragua, ces distances respectives seraient de 13,704 et de 14,657 milles. La traversée serait, pour l’aller de 108 jours, pour le retour de 125 jours. On gagnerait donc sur un bâtiment à voiles 2 jours seulement pour se rendre en Australie, et l’on perdrait 9 jours pour revenir en Angleterre. De l’Angleterre à Canton, les mêmes évaluations font voir qu’on gagnerait seulement 10 jours par le canal; au retour, l’économie de temps serait de 20 jours. On parcourt actuellement en 126 jours les 15,740 milles qui séparent l’Angleterre de Canton; au retour, la route a 15,270 milles de longueur et se fait en 134 jours : par la voie du canal, ces distances respectives sont réduites à 14,580 et 15,700 milles, et la longueur des deux traversées à 116 et à 112 jours. Pour aller de Singapore en Angleterre, il y aurait une perte positive de temps, qui ne serait pas inférieure à 20 jours, à suivre la voie du canal. Cette traversée, qui se fait aujourd’hui en 105 jours par le cap de Bonne-Espérance, ne se ferait plus qu’en 125 jours.

Il est inutile de multiplier ces exemples, qui prouvent assez que le commerce de l’ancien monde ne serait que bien peu affecté par l’ouverture d’une voie de communication interocéanique dans l’Amérique centrale. Plus on analyse les élémens du commerce dont elle deviendrait l’artère, plus on reste convaincu que cette entreprise ne présente un intérêt immédiat qu’aux États-Unis, aux provinces mêmes de l’Amérique centrale et au Pérou. Toutes les branches de revenu que nous avons cherché à évaluer ne forment que la somme de 996,000 tonnes. Il ne reste à y ajouter que 16,000 tonnes environ pour le commerce des îles Sandwich avec l’Europe et les États-Unis, et 80,000 tonnes pour les pêcheries de l’Océan-Pacifique septentrional. Les baleiniers qui explorent cette partie du Pacifique auraient en effet seuls intérêt à suivre le canal, car ceux qui ne recherchent