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teraient le canal pendant le reste de l’année. Les proportions que M. Gisborne propose de donner au canal, écluse ou non, sont tout à fait gigantesques : il offre de lui donner 140 pieds de largeur à la base, 160 pieds à la hauteur du niveau de l’eau, et 30 pieds de profondeur. Les écluses qu’il faudrait construire auraient 400 pieds de long, 90 pieds de large, et seraient placées à 30 pieds les unes au-dessus des autres. Suivant les estimations de M. Gisborne, le canal sans écluses coûterait 300 millions, et le canal avec écluses 112 millions. Tout en présentant ces deux projets à la fois, l’ingénieur anglais incline ouvertement vers le premier, et le représente comme satisfaisant seul aux conditions d’une grande communication inter-océanique. Les inconvéniens nombreux de la navigation ordinaire sur canal sont bien connus, et prennent encore plus d’importance sur une voie destinée aux plus gros navires, où la moindre accident dans une écluse pourrait interrompre pendant des mois entiers un transit d’une extrême importance[1].

L’isthme de Darien est trop rapproché de celui de Panama pour qu’on songe aujourd’hui à y construire un chemin de fer: la ligne proposée par M. Gisborne pour un canal se prêterait pourtant, sans doute avec peu de modifications, à l’établissement d’une voie ferrée, s’il est vrai que la chaîne de montagnes y est interrompue par une dépression qui n’a que 150 pieds de hauteur au-dessus de la mer. En outre le chemin de fer de Darien n’aurait que 30 milles de long, ce qui lui donnerait un peu d’avantage sur celui de Panama.


II.

Le temps et la distance ne sont pas les uniques élémens qu’il faille considérer dans l’ouverture de nouvelles voies commerciales. Une partie des navires qui actuellement tournent le cap de Bonne-Espérance et le cap Horn n’abandonneront ces lignes que si une route nouvelle permet de réaliser une économie dans le transport des marchandises sur quelques-uns des marchés les plus importans du globe. Il n’y a aucun doute que l’ouverture d’un canal maritime dans les provinces de l’Amérique centrale ne permît aux navires partis de l’Europe et des États-Unis d’atteindre plus rapidement les ports de la côte occidentale de l’Amérique ; mais il est non moins évident qu’ils n’auraient aucun intérêt à adopter cette route, si le péage du canal dépassait la somme qui représente la dépense du

  1. Tout récemment un ingénieur américain, M. Kelley, a visité l’isthme de Darien et a présenté des plans qui ont beaucoup d’analogie avec les précédens, pour y unir les deux océans par un canal sans écluses au moyen d’une immense coupure.