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eussent proclamé et établi leur indépendance, les cortès avaient décidé qu’un canal serait ouvert dans cette partie de l’Amérique; mais ce projet devait être bien vite oublié, et il ne fut repris qu’en 1842. Don José de Garay publia vers cette époque un rapport étendu sur l’établissement d’une communication interocéanique dans l’isthme de Tehuantepec[1]. D’après les renseignemens qu’il avait recueillis, il considérait comme navigable sur une assez grande longueur la rivière Coatzocoalcos, qui se jette dans le golfe du Mexique, et traverse une grande partie de l’isthme. A partir du confluent du Serabia, un canal à point de partage, de 50 kilomètres de long, devait traverser la sierra, descendre le versant du Pacifique et aboutir aux lagunes de Tehuantepec.

Les inconvéniens de ce projet sont d’une nature tellement grave, qu’il a dû être complètement abandonné. Bien que le niveau de la contrée soit comparativement assez bas, le passage de la ligne de faîte nécessiterait des travaux extrêmement dispendieux. En outre l’on ne pouvait compter, pour alimenter le canal, que sur l’eau fournie par le Rio-Chicapa et ses affluens, dont le débit est incertain et sans doute insuffisant. Enfin le désavantage le plus signalé de cette ligne consiste dans l’absence de bons ports. Sur l’Océan-Atlantique, l’isthme de Tehuantepec n’en présente aucun. M. Garay proposait de faire entrer directement les navires dans le fleuve Coatzocoalcos; mais il est à peine nécessaire d’indiquer combien une pareille solution est peu satisfaisante. D’ailleurs la barre qui ferme l’embouchure ne laisserait passer que des vaisseaux de 300 tonnes. La hauteur d’eau, qui, à marée haute, est de 13 pieds, n’est à marée basse que de 11 pieds. M. Orbegozo, chargé par M. Garay de reconnaître l’embouchure du fleuve, avait indiqué une profondeur de 21 à 23 pieds. C’était Là une grave exagération, qui a depuis été rectifiée par les ingénieurs d’une autre compagnie et par le Commodore américain Perry. Plusieurs autres personnes expérimentées se sont positivement déclarées contre le projet, entre autres le capitaine Liot, surintendant des steamers anglais des Indes occidentales. Suivant lui, les vaisseaux qui chercheraient dans le Coatzocoalcos un refuge contre les vents du nord, qui descendent la vallée du Mississippi et viennent s’abattre avec violence sur l’isthme de Tehuantepec, n’éviteraient un danger que pour se jeter dans un danger plus grand à cause de la faible profondeur de l’entrée. Il n’est pas inutile de remarquer que les bateaux à vapeur employés dans le transit californien, destiné à devenir le principal sur toute ligne ouverte dans l’Amérique centrale, ont besoin d’avoir un très puissant tonnage

  1. Reconocimiento del Istmo de Tehuantepec, practicado en los años 1842 y 1843, don José de Garay, Londres 1844.