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On ne s’engage pas impunément dans les plus ardus de ces sermons. Une impression de religion vous y saisit, et au lieu de trouver un vain plaisir à voir un si grand esprit aux prises avec des difficultés insurmontables, on est touché de cette foi qui d’avance est résolue à suppléer ce qui manque au raisonnement, et à tirer de l’insuffisance de la logique de nouveaux motifs de croire. Un raisonnement dans les formes, qui ne nous convainc pas, ajoute au doute où il nous laisse un sentiment qui blesse la charité, car il nous fait sourire des vains efforts de celui qui prétendait nous convaincre; mais le moins que fasse cette logique de Bossuet, laquelle participe à la fois de la dialectique, de l’exhortation et de l’hymne, c’est de rendre plus humble et meilleur quiconque n’est pas prévenu par entêtement ni par vanité, ou qui seulement est tendre à tout ce qui est l’œuvre du génie dans un homme de bien.

Les personnes divines ne sont pas pour Bossuet des symboles. Il les voit d’une vue claire dans le mystère de leur unité et de leur existence distincte, et ce que l’esprit par la puissance de l’abstraction peut concevoir de l’infini, il l’embrasse et le mesure de son regard. La foi, qui chez les autres hommes règne sur toutes les facultés étonnées et humiliées, semble ajouter à l’imagination et à la raison de Bossuet. Il se rend intelligible et visible tout ce qu’il croit. Notre esprit est plein des images du Dieu des Oraisons funèbres et du Discours, de ce « grand Dieu » qui tient dans les mains le fil des affaires humaines et qui fait et défait les empires. Le Dieu des Sermons, plus occupé de l’homme, n’est pas moins grand. Bossuet sait le rapprocher de nous sans le rapetisser, et employer l’être infini à l’œuvre de notre correction particulière sans le faire descendre. Il nous le fait voir en nous élevant vers lui; il le mêle à nous, sans le commettre, et c’est un miracle de son art que, tout en l’occupant de nos affaires, que dis-je ? de l’affaire de la plus humble brebis dans le troupeau, il réussisse tout à la fois à ne pas nous enorgueillir par le prix auquel il nous estime et à rendre plus grande l’idée que nous avons de Dieu. Le Dieu des Sermons, c’est ce Dieu de la chapelle Sixtine que Michel-Ange fait tantôt planer sur le monde sorti de ses mains, tantôt descendre sur la terre pour tirer la première femme des flancs d’Adam endormi. On admire dans un saint respect ce miracle d’un autre art, qui, en nous montrant Dieu sous les traits de l’homme, réussit à faire naître des impressions d’humilité de ce qui semblerait si propre à enfler la nature humaine.

Cependant le Christ tient plus de place que Dieu dans les sermons. Dieu est réservé pour ce que Bossuet appelle les grands conseils. Il le laisse au sein de son éternité solitaire, séparé de sa créature par l’infini, quoiqu’il la touche par sa Providence. Le Christ