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tions du gouvernement, on toléra ouvertement ces adorations puériles qu’à certains jours consacrés l’Hindou adresse aux instrumens de son métier. Il y eut la fête du papier, celle de l’encre et de l’encrier, des plumes et du tabouret. Ces habitudes de tolérance protectrice une fois érigées en axiomes de salut public par les hommes d’état du service indien, le gouvernement se trouva bientôt amené à intervenir directement dans les affaires intérieures des établissemens religieux du pays.

Sous les gouvernemens antérieurs à la conquête anglaise, les diverses corporations religieuses possédaient des terres destinées par leurs fondateurs à défrayer les dépenses des divers membres de la communauté et les frais du culte. Or il arriva que, les revenus des terres ayant été dilapidés par une mauvaise administration, des corporations ne purent acquitter l’impôt foncier, et que le gouvernement, tant dans l’intérêt du trésor public que pour prévenir le retour de semblables abus, s’empara de l’administration des terres, s’engageant en compensation à payer un certain subside annuel à la communauté religieuse mise en curatelle. Ou bien encore, comme les gouvernemens natifs étaient dans l’habitude aux époques de solennités religieuses de faire des avances à certains établissemens privilégiés, avances dont ils se remboursaient par la perception de taxes locales, le gouvernement anglais fut sollicité de suivre les traditions de ses prédécesseurs.

Pour faire comprendre par un exemple assez original comment s’exerçait cette intervention de l’autorité séculière, il suffira de donner ici quelques détails sur les relations qui s’établirent entre l’autorité anglaise et les brahmes attachés au célèbre temple de Jaggernauth à Pooree. Ces brahmes ayant sollicité des avances du gouvernement de la compagnie, ce dernier ne crut pouvoir mieux faire que de suivre les exemples de ses prédécesseurs, d’accorder les sommes demandées, et d’en opérer le remboursement au moyen d’une taxe prélevée de temps immémorial sur les pèlerins qui venaient visiter le temple. La machine fiscale fut montée d’ailleurs avec tout le luxe de détails et de précautions qui caractérise un gouvernement économe des deniers publics. Une barrière fut élevée autour de la cité, et l’on ne put en franchir l’enceinte qu’en achetant argent comptant, du magistrat chargé de ce service, une passe dont nous traduisons mot à mot le curieux modèle: « A..., habitant du district de ..., est autorisé à faire les cérémonies d’usage, sous la conduite de ..., pendant ... jours, savoir, du ... au… Libre accès lui sera donné au temple de Jaggernauth, et à l’expiration de la période, la présente passe sera renvoyée au gouvernement. » Quoique cette taxe fût modique, le nombre des pèlerins qui visitent chaque année le temple de Poo-