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1847, et à 400 roupies en 1848, chiffre qu’il conserve encore[1].

Une vente d’opium aux enchères publiques est faite à Calcutta tous les mois, par ordre du gouvernement, dans les salles de l’Exchange, sorte de bazar situé sur la place spacieuse de Tank Square, et le coup d’œil de la salle de vente est une des choses les plus curieuses que la capitale du Bengale offre au visiteur. Le natif y domine dans toute sa gloire : ce ne sont que traits cuivrés, flots de mousseline, turbans rouges, bleus, abricots, roses, aussi capricieux de forme que de couleur. A peine si l’habit noir de l’encanteur, du magistrat qui préside à la vente, de quelques rares négocians européens, témoigne que les jours d’Akbar et de Shah-Jehan sont passés, et que l’empire de l’Inde subit aujourd’hui le joug de la race anglo-saxonne. Il y a là des Chinois, des hommes de l’Arabie et de la Perse, des marchands de Damas, des Crésus de Boukhara, des princes de la finance de Samarcande. Et quel tumulte, quels cris! L’agitation du parquet de la bourse de Paris dans un jour de grandes nouvelles ne saurait se comparer aux émotions bruyantes, aux éclats tumultueux qui saluent chaque coup de marteau frappé par l’encanteur. C’est qu’en effet il ne s’agit pas seulement du lot qui vient d’être adjugé, mais de spéculations entreprises sur la plus vaste échelle, de combinaisons dont les ruses feraient honneur aux coulissiers les plus roués de Londres ou de Paris, En voici un exemple. Il s’engage entre les spéculateurs sur l’opium à Calcutta, — de même qu’en Europe entre les spéculateurs sur les valeurs publiques, — des marchés à terme qui se liquident en fin de mois par une différence dont le prix

  1. Ce tarif laisse au trésor public un bénéfice de 5 roupies 8 anas par livre sur l’opium de Malwa. Le bénéfice est plus élevé pour l’opium du Bengale. Le prix moyen de revient de l’opium est de 3 roupies 8 anas par seer, soit 280 roupies pour une caisse de 80 seers ou 164 livres, qui, aux enchères publiques de Calcutta, réalise toujours plus de 900 roupies, laissant ainsi un bénéfice d’au moins 7 shill. 6 pence par livre. Les chiffres suivans, extraits des documens officiels, donneront une idée exacte du grand rôle que le monopole de l’opium joue dans les finances de l’Inde.
    REVENU NET DE L’OPIUM.
    Années Bengale Bombay Total
    1845 46 22,079.262 r. 5,956,243 r. 28,033,505 r.
    1846-47 22,793,387 6,068,628 28,862,015
    1847-48 12,915.296 3,712,549 16,627,845
    1848-49 19.582,562 8,875,065 28,457,627
    1849-50 28,007,968 7,294,835 35,302,803


    Les chiffres des dernières années présentent des résultats moins favorables : soit que le succès des rebelles ou l’état de désordre où se trouve plongé le Céleste-Empire ait porté atteinte à la consommation de la drogue, le projet de budget de 1854-55 estime dans cette branche de revenu un déficit de 448,540 liv. st. comparé aux recettes de 1852-53, représentées par 2,687,818 liv. st.