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jours flétri le monopole de l’opium au nom de la liberté individuelle, jamais journaux ou orateurs n’ont mis en doute ce droit de conquête et de naissance de par lequel le commerce britannique empoisonne les Chinois malgré les prohibitions des autorités du Céleste-Empire. Quoi que l’on puisse penser de la moralité du commerce de l’opium, il faut reconnaître que le monopole du gouvernement revêt dans l’Inde des formes assez douces. La contrée propre dans le Bengale à la culture du pavot se développe, sur les deux rives du Gange, en un quadrilatère de 200 milles de long sur 600 milles de large, compris entre les quatre villes de Gorruckpore, Hazareebaugh, Dinagepore et Agra. Cette contrée est divisée en deux agences dont les chefs-lieux sont situés à Patna et à Gazeepour. La culture du pavot n’est point imposée aux ryots ; ils s’engagent à cultiver en opium une certaine quantité de terrain, et à en livrer les produits aux agens du gouvernement à un prix rémunérateur déterminé, sur lequel ils prélèvent des avances à l’époque des semailles et à celle de la récolte. Dans l’année 1849-50, l’agence de Bénarès, dont le chef-heu est à Gazeepour, comptait en culture de pavots 107,823 biggahs de terre, de 27,725 pieds carrés par biggah. L’on donnera une idée des travaux multiples des agens attachés au service de l’opium en disant qu’à cette époque le nombre des contrats s’élevait à 21,529, et qu’on pouvait évaluer à plus de cent mille le nombre des ryots voués dans ce district à la culture du papaver somniferum album, si l’on nous permet de donner le nom en nm sinon en ns de la plante somnifère cultivée dans le Bengale. Le monopole de l’opium est soumis à peu près aux mêmes règles dans la présidence de Bombay. Dans cette dernière toutefois, il a fallu prendre des mesures pour ruiner ou limiter tout au moins la concurrence de l’opium récolté dans la province de Malwa. L’opium de Malwa, pays gouverné par des princes indépendans, a pendant de longues années, malgré les difficultés du transport, disputé le marché de la Chine à l’opium de l’Inde. Après de longues hésitations, en 1827, le gouvernement de la compagnie se décida à accorder à ce produit de l’Inde centrale le transit à travers ses domaines moyennant un droit de 125 roupies par caisse. On prit pour base de ce droit les frais approximatifs de transport que l’opium de Malwa devait acquitter avant d’arriver du lieu de production, par la voie de Kurrachee, aux établissemens portugais de Diu et de Demaun, où il était embarqué pour la Chine. La conquête du Scinde, en faisant passer sous la loi anglaise la ville de Kurrachee et les territoires environnans, a fermé la route par laquelle l’opium de Malwa pouvait s’écouler le plus facilement, et augmenté les frais de transport dans de telles proportions, que le gouvernement de la compagnie a pu porter le droit de transit à 300 roupies par caisse en