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mille et voisins lui prêtent un concours qu’il leur rendra plus tard eu temps opportun. Quant aux procédés de fabrication, quelque arriérés qu’ils soient encore, ils sont cependant on ne peut mieux adaptés au faible capital dont dispose le fabricant natif. Le raffinage toutefois est la seule partie de l’industrie sucrière que les Européens aient pu exploiter avec un certain succès en ces contrées. Encore faut-il remarquer que la majorité des usines qui donnent aujourd’hui de beaux résultats appartient à des industriels acquéreurs de seconde main et à bas prix, après la ruine des premiers propriétaires.

Le sucre de canne n’est pas le seul qui paraisse sur le marché indien, et il rencontre aujourd’hui la concurrence déjà redoutable du sucre de palmier, appelé peut-être un jour à tenir le premier rang dans les exportations du Bengale. Le phenix sylvestris, dont le jus est si riche en matière saccharine, croît dans les districts de Jessore, Furedpore, Baraset, etc., voisins de Calcutta, dans un espace d’environ 130 milles de l’est à l’ouest et de 80 milles du nord au sud. Des hommes compétens s’accordent à reconnaître que l’industrie du sucre de palmier est dans le Bengale beaucoup plus favorisée par les circonstances que celle du sucre de canne. La récolte du jus est en effet à l’abri des caprices des saisons et des ravages des insectes : les frais d’entretien des arbres sont de beaucoup inférieurs à ceux de l’entretien de la canne, le jus de palmier se manipule aussi aisément que le jus de la canne; en un mot, le sucre qu’il produit, qui ne le cède en rien au sucre de canne, coûte un tiers de moins que ce dernier. L’on s’explique toutefois facilement que la spéculation européenne ne se soit pas portée vers cette industrie nouvelle. C’est au bout de sept ans seulement que le palmier arrive au maximum de production, et sur cette terre que l’Européen n’habite qu’en oiseau de passage, ce long délai suffit pour éloigner les capitaux anglais d’entreprises réservées peut-être au plus bel avenir. Les plantations de palmiers à sucre sont toutes entre les mains de petits cultivateurs qui exploitent de 80 à 300 têtes d’arbres. Le produit de ces plantations figure déjà d’une manière intéressante sur le marché indien, et forme environ le cinquième des sucres exportés du port de Calcutta.

Quoique le capital européen n’ait trouvé que ruine et déception lorsqu’il a entrepris de régénérer l’industrie sucrière en ces contrées, il faut reconnaître que cette branche de la production de l’Inde a pris ces dernières années un grand développement[1]. Nous devons ajouter, pour donner une juste mesure de l’élan imprimé à l’indus-

  1. En 1830-31, le port de Calcutta exportait en sucres une quantité totale de 267,173 maunds; en 1854-55, il en a exporté 1,212,077 maunds. L’exportation pour l’Angleterre était en 1830-31 de 217,371 maunds; en 1854-55 de 708,360 maunds.