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perfectionnés de culture et de manipulation qui avaient porté à un haut degré la prospérité de l’industrie des sucres dans les Antilles. Ces tentatives avortèrent sans exception, et après dix ans d’efforts le gouvernement de la compagnie, refusant de continuer plus longtemps un système ruineux de subsides, retira tout patronage à l’industrie sucrière. Cette industrie demeura partagée, comme avant la conquête, entre le ryot, qui cultive quelques centaines de pieds carrés de terrain en cannes à sucre, et le fabricant indigène, dont l’établissement mesquin peut au plus travailler dans toute l’année la même quantité de sirop qu’une usine moyenne pourvue des procédés nouveaux raffinerait en deux jours. Depuis lors, l’industrie sucrière dans les domaines de la compagnie a été à plusieurs reprises, mais toujours sans succès, abordée par les spéculateurs européens. A l’époque de l’abolition de l’esclavage, lorsque le parlement, faisant droit à de justes réclamations, supprima le droit différentiel de 8 shillings par cent livres dont le sucre des Indes-Orientales avait été jusque-là surchargé, il sembla qu’une ère nouvelle allait s’ouvrir pour la culture de la canne dans l’Inde. Des expériences faites sur la canne d’Otahiti, récemment introduite, avaient donné de merveilleux résultats; l’abondance et le bon marché de la main-d’œuvre en ces contrées, le bas prix des terrains, la puissance des nouveaux procédés de fabrication, semblaient donner des gages certains de succès. Aussi les capitaux anglais, sans égards pour les leçons de l’expérience, se jetèrent avec emportement dans l’industrie sucrière. Des plantations de cannes furent faites dans les plus vastes proportions; l’on monta des usines où furent réunis les procédés les plus ingénieux de la science moderne; en un mot, rien ne fut épargné pour assurer la fortune des jeunes établissemens, et cependant la ruine fut prompte et radicale. Soit exagération du résultat d’expériences faites sur une petite échelle, soit mauvaise administration, luxe inutile des états-majors européens, hasard des coups de vent, ou ravages des fourmis blanches, plantations et usines tombèrent l’une après l’autre en déconfiture, et l’on peut donner une idée des désastres qui suivirent ces tentatives hasardeuses en disant que dans le seul district du Tirhoot un capital de plus d’un million sterling fut irrévocablement enfoui dans ces spéculations. Une expérience chèrement achetée semble démontrer aujourd’hui que dans l’Inde les grands établissemens sucriers ne peuvent supporter la concurrence des ryots et des raffineurs natifs. Dans une culture aussi compliquée et qui demande autant de vigilance que celle de la canne, l’on s’explique en effet aisément les immenses avantages du propriétaire qui cultive son champ de quelques centaines de pieds sur le planteur dont la surveillance doit embrasser de vastes espaces. De plus, le ryot n’a pas de main-d’œuvre à payer : dans la saison du travail, fa-