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time avait pu s’échapper et était allé porter tous les détails du crime à la connaissance du magistrat du district. Ce dernier donna immédiatement l’ordre au darogah de se rendre sur les lieux et de s’y livrer à une enquête sérieuse; mais l’officier subalterne, soudoyé par l’instigateur du crime, revint annoncer à son chef qu’il n’y avait pas un mot de vrai dans le récit du domestique, que le second planteur vivait chez son voisin comme hôte et ami, et non pas comme prisonnier. Peu satisfait du rapport de son agent, le magistrat somma les deux planteurs de comparaître au chef-lieu du district. Là, en présence de l’autorité supérieure, le deuxième planteur fit le récit des violences dont il avait été victime, tandis que son adversaire affirma qu’il n’y avait dans cette déposition qu’un conte fait à plaisir, que jamais on n’avait vu de bâtimens dans l’endroit désigné, et tous deux appuyèrent leurs dires d’un nombre de témoins si imposant, que le magistrat résolut de ne rendre son arrêt qu’après avoir lui-même visité les lieux. L’on était alors à la saison des pluies, le mauvais état des routes empêchait le magistrat d’entreprendre immédiatement son voyage; le premier planteur profita de ce temps de répit, et de retour à son habitation, se mit à l’œuvre avec activité. Les vestiges des bâtimens démolis dans la nuit du crime furent enlevés jusqu’au dernier, le terrain fut artistement recouvert de gazon, et grâce à l’activité d’une végétation tropicale, la place de la factorerie était devenue une jongle impénétrable lorsque le magistrat vint faire son enquête. Aussi reprit-il la route de la station pleinement convaincu qu’il n’y avait que calomnie et mensonge dans le crime dont on avait accusé le premier planteur.

Quoique les choses se soient bien modifiées pendant ces dernières années, la vie du planteur est loin d’être aujourd’hui une vie de calme et de far niente. La culture de l’indigo n’est point populaire parmi les ryots, et ce n’est que par des avances d’argent que l’on peut les engager à s’y livrer. Voici quelles sont à peu près les relations entre le planteur et le ryot. Celui-ci reçoit vers septembre, à l’époque des semailles, 2 roupies par biggah de terre qu’il s’engage à cultiver en indigo, et le planteur rentre dans ses débours à la récolte, en prenant l’indigo au taux de 4 bottes pour une roupie. Un biggah de terre produisant année commune 10 bottes, si l’on évalue la rente du terrain à 12 anas, le prix des semences nécessaires à 10, il reste comme bénéfice au ryot, par biggah de terre cultivé en indigo, environ 12 anas. De là mille chicanes auxquelles, une fois les avances reçues, le ryot se livre pour éluder les termes de son contrat, et contre lesquelles le système judiciaire si imparfait de ces contrées ne protège point le planteur. De plus, sa position le fait prendre pour arbitre de toute querelle parmi ses tenanciers, et ces travaux de juge de paix de circonstance ne sont ni les moins ardus, ni les moins