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mettre sans controverse que la vallée du Gange, comprise dans les présidences du Bengale et des provinces nord-ouest, est, au triple point de vue de la population, de la fertilité du sol, de la facilité des communications, le plus beau fleuron de la couronne de l’Angleterre dans l’est. Ainsi des renseignemens statistiques officiels constatent que la population du delta du Gange s’élève à plus de 60 millions d’individus, égalant ainsi presque celle de tout le reste de l’empire indien, quoique le territoire qu’elle occupe soit à peine le tiers du territoire total. Cette population d’ailleurs est distribuée en proportions variables. Le district de Hoogly, qui renferme la ville de Calcutta, compte 562 habitans par mille carré, proportion un peu inférieure à celle du district de Burdwan, qui s’élève à 568. En remontant le cours du fleuve vers le 25e degré de latitude, aux limites de la sous-présidence des provinces-nord-ouest, la population diminue et ne dépasse plus environ 230 individus par mille carré, chiffre qu’on retrouve jusqu’au pied de la chaîne de l’Himalaya, si bien que l’on peut fixer pour moyenne approximative de la population dans la vallée du Gange 260 habitans par mille carré.

La moyenne de population, quoique moins élevée, n’est pas moins irrégulière dans les domaines de l’Angleterre qui s’étendent vers la ligne. Dans la présidence de Madras, par exemple, les documens statistiques officiels évaluent la population à 225 individus par mille carré pour la riche province de Tanjore, tandis qu’ils ne portent qu’à 60 celle des districts montagneux des environs du lac Chita. En somme, la moyenne approximative de la population pour la présidence de Madras peut être évaluée à 105 habitans par mille carré, moyenne qui est aussi environ celle de la présidence de Bombay.

Il suffit de comparer ces chiffres à ceux qui représentent la population moyenne de la France et de l’Angleterre pour arriver à cette conclusion, que la population est beaucoup plus clairsemée dans l’Inde que dans les états qui marchent en tête de la civilisation européenne. Si l’on examine les autres élémens de la fortune publique dans l’Inde, les forces physiques et l’énergie morale, l’esprit d’invention, le capital acquis, les systèmes de communication qui relient les grands centres entre eux, on n’aura pas besoin de se livrer à de longs commentaires pour expliquer les étroites limites dans lesquelles sont demeurées jusqu’à ce jour la production et la consommation de ces contrées, si bien douées par la nature.

Il n’est pas nécessaire d’avoir visité l’Inde anglaise pour avoir une idée du nombre fabuleux de serviteurs qui composent l’établissement européen le plus modeste. Cette prodigalité extravagante des forces humaines se rencontre partout dans l’Inde, qu’il s’agisse de vie domestique, d’agriculture ou d’industrie. Parlerons-nous en pre-