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déclarer au milieu des clameurs de la foule et du silence des soldats. La foule, touchée de pitié, n’accepte point cette abdication pusillanime, lui rend un peu de courage et le décide à retourner au palais. Un seul chemin lui était ouvert, la voie Sacrée; il la suit et regagne le Palatin. Cependant ses soldats parcourent la ville et égorgent ceux qu’ils rencontrent. Sabinus, frère de Vespasien, était préfet de Rome; attaqué, il se réfugie avec quelques troupes dans le Capitole. Les soldats de Vitellius sans chef, entraînés par un mouvement furieux, traversent en courant le Forum. Arrivés au pied du Capitole, ils commencent à monter la pente qui regarde le Forum, dépassent les temples qui le dominaient, et dont, je l’ai dit, deux le dominent encore de leurs débris. Les vitelliens arrivent ainsi aux premières portes de l’enceinte fortifiée. Un portique s’élevait à leur droite; de là les gens de Sabinus jetaient aux assiégeans des pierres et des tuiles. Ceux-ci lancent des matières enflammées, comme c’était l’usage dans les sièges, sur une partie du portique qui faisait saillie. Ils suivaient le feu et allaient entrer par la porte embrasée du Capitole, si Sabinus n’avait improvisé un rempart avec des statues. Voilà la première mutilation des œuvres de l’art antique, et ce ne sont pas les Barbares qui en sont les auteurs. Les peuples civilisés ont été souvent bien funestes à l’antiquité; Fourmont s’amusait à faire sauter des ruines grecques; une bombe vénitienne a coupé en deux le Parthénon, et j’ai entendu autrefois le brave général Fabvier raconter comment, quand il défendait l’acropole d’Athènes contre les Turcs, il fabriquait des bombes très passables avec des tronçons de colonne. Il faut le dire, c’est dans le dernier siège de Rome par les Français que pour la première fois la guerre a respecté et ménagé les monumens de l’antiquité. Cette première attaque du Capitole se fit sur la droite de ceux qui encore aujourd’hui y montent du Forum par la rampe de gauche, au-dessus de l’ancienne voie triomphale. Les soldats de Vitellius, repoussés sur ce point et arrêtés par le mur de statues, tentèrent une autre attaque à gauche, là précisément où conduit la rampe dont je parlais tout à l’heure, vers le bois sacré de l’asile qui existait encore en mémoire de Romulus, — c’est aujourd’hui la place du Capitole, — et au pied des cent marches dont l’escalier par où l’on monte à la roche Tarpéienne représente une partie. De ce côté, l’abord de la citadelle était facilité par des maisons que l’on avait bâties pendant la paix jusqu’à la hauteur du Capitole, et sur les toits desquelles, plats comme l’étaient ceux de l’ancienne Rome et le sont souvent ceux de la Rome moderne, il était aisé de monter. Dans cet assaut, le feu prit au temple de Jupiter. Les aigles de bois qui soutenaient le faîte furent atteints par la flamme, et le Capitole brûla. Les assiégeans, maîtres de la place, saisirent Sabi-