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tendre, n’offrait pas les avantages de la succession régulière des monarchies; révolutionnaire de sa nature, il ne connut que l’hérédité du despotisme.

Les descendans d’Auguste ont tous quelque chose de ce beau profil césarien que, par un jeu étonnant du sort, devait reproduire après tant de siècles le premier empereur des Français; mais avec Galba commence une nouvelle série de princes, empereurs d’aventure qui n’ont plus une goutte du sang d’Auguste ou de Livie, et dont les traits sont nouveaux comme l’origine. Bien que Galba prétendit descendre de Jupiter et de Pasiphaé, Vitellius de la déesse Vitellia et de l’ancien roi mythologique du Latium Faunus, ils ne durent leur grandeur qu’au choix des armées et à la docilité de la multitude; leur fabuleuse extraction n’y fut pour rien.

Aussi toute ressemblance extérieure avec Auguste ou Tibère a disparu de leurs images. Galba a ce nez crochu dont parle Suétone. C’est un vieillard chauve, il avait soixante-treize ans quand il monta sur le trône. Son visage, sombre et dur, est sans noblesse, mais ne manque pas d’énergie. En effet son caractère montra quelques traits de l’ancienne physionomie du général romain. Dans le mot adressé par lui au soldat qui se vantait d’avoir tué son rival Othon : « Qui te l’a ordonné? » on retrouve la tradition de la discipline antique. Galba dit aussi aux troupes qui réclamaient ses largesses : « J’enrôle les soldats et ne les achète point. » Malheureusement l’avarice, qui fut un de ses vices honteux, peut avoir dicté ces mots autant que la fermeté. Cette fermeté est le seul beau côté du caractère de Galba, et la haine qu’elle inspira aux prétoriens le seul trait qui honore sa mémoire. C’est sans doute ce qui l’a fait appeler un grand citoyen par Juvénal, hyperbolique cette fois dans la louange comme il l’est plus souvent dans la satire; mais il ne faut pas oublier que chez Galba la fermeté était accompagnée d’une cruauté que les haines qu’elle souleva purent alléguer pour se justifier. Quand les légions d’Espagne l’eurent proclamé, il marcha sur Rome précédé par cette double réputation de sévérité et de barbarie; on racontait que les commandans de places qui avaient hésité à le reconnaître avaient été égorgés avec leurs femmes et leurs enfans, et qu’il avait fait massacrer des milliers de soldats désarmés. Il s’était arrêté en chemin pour mettre à mort sans jugement plusieurs personnages considérables. Sa marche fut ralentie par ces meurtres, tardum Galbœ iter et cruentum. Pour son avarice, on en citait des exemples incroyables qui vont bien à la vulgarité de ses traits, comme cette route lente et sanguinaire dont parle Tacite s’explique par leur dureté. On ne peut se défendre d’une certaine émotion en voyant la triste fin de ce vieux soudard cruel et débauché, qui, s’il fut un faible empereur, dominé