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disait le poète antique, quid ferre recusent, quid valeant humeri. Ici encore, ce semble, la voie à suivre par les publicistes italiens était clairement tracée. Si l’Italie n’est pas plus libre qu’elle n’est indépendante, à qui encore faut-il en rapporter la faute, sinon à elle-même ? Les derniers événemens ont parlé à ce sujet un langage dont il est difficile de ne pas sentir la démonstrative éloquence. Si le beau mouvement de réformes administratives commencé en 1846 par Pie IX, mouvement qui, dirigé avec sagesse et plutôt contenu que précipité, eût infailliblement conduit un jour l’Italie à la vie constitutionnelle, si ce mouvement n’a porté de fruits qu’en Piémont, à quoi en définitive faut-il en reporter la cause, sinon au défaut d’esprit de conduite et aux vices de caractère du peuple italien ? Si les publicistes de la péninsule entendaient à cet égard la vraie politique à suivre, ils feraient tous ce qu’au nom d’une minorité qui perd malheureusement chaque jour du terrain, seul ou presque seul, M. Ranalli vient de faire ; ils borneraient toutes leurs prédications politiques à la démonstration incessante, éternelle, et par les faits, de ce seul point : — que si l’Italie n’est pas libre, ce n’est pas que la Providence lui ait refusé les plus belles occasions de le devenir ; ce n’est pas non plus que ses princes, sans excepter le roi de Naples lui-même, contre lequel le grand parti des dupes n’a pas assez de foudres aujourd’hui, aient eu la volonté non plus que la puissance de l’empêcher ; c’est, il faut bien dire le mot, qu’elle ne l’a pas voulu. — Mais que fait au contraire la foule des écrivains contemporains de l’Italie ? D’abord elle se livre, et avec une intempérance de paroles inconcevable, à cette vieille et oiseuse controverse du meilleur des gouvernemens possible, qui n’a jamais eu d’autre résultat en aucun temps, en aucun lieu, que d’ennuyer tous les gens sensés et d’exalter toutes les têtes faibles. Cette controverse ensuite, qui nourrit ceux qui l’entretiennent de pures idéalités, va chaque jour leur faisant oublier, et le monde où ils vivent, et le peuple auquel ils parlent. Peu à peu ils s’accoutument à penser qu’il n’y a rien de plus simple que de faire passer dans les faits les déductions les plus extrêmes de la logique, et insensiblement, sans presque qu’ils s’en doutent eux-mêmes, cela les conduit à prêcher comme la chose la plus naturelle du monde le renversement de tout ce qui existe. C’est la pente qu’a descendue et que descend encore, sous la conduite de l’abbé Gioberti, l’école aujourd’hui dominante du rinnovamento. Enivrée par la contemplation de la forme idéale de gouvernement qu’elle s’est mise dans l’esprit, et ne la trouvant naturellement pas réalisée dans l’état politique actuel de la péninsule, la logique la conduit à penser, non pas comme le dirait le bon sens, qu’il faut s’attacher à combattre les causes coupables auxquelles cet état est dû, mais qu’il