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monter aux causes premières qui, il y a maintenant plus de huit siècles, ont amené l’étranger en Italie, et n’ont cessé depuis, sous vingt formes diverses, d’y appeler ses ravages et d’y perpétuer sa domination ? les voit-on ensuite faire de la dénonciation de ces causes le texte unique, incessant de leurs prédications de chaque jour ? Non : porro unum est necessarium, disent-ils tous comme disait éloquemment M. de Balbo en 1844, rendre l’Italie indépendante. Seulement, au lieu d’ajouter : « Et cette indépendance que nos pères ont perdue par leurs vices, c’est aux vertus de leurs enfans à la racheter, » que font-ils ? Ils imaginent de lier la cause de l’Italie à celle de toutes les convoitises territoriales de l’étranger. C’est l’Autriche aujourd’hui qui opprime la péninsule.

Puisque ce n’est assez de toute l’Italie,
Que l’Orient contre elle à l’Occident s’allie,


et une fois dans ce système, les voilà, le poussant à bout, qui demandent, tout autre intérêt commun d’un bout de l’Europe à l’autre mis de côté, une collision générale qui amène un remaniement complet des territoires. Ils ne réfléchissent pas, pour nous borner à une seule considération, que lors même, pour le malheur de l’Occident, qu’une conflagration universelle éclaterait dans son sein, l’Italie, dans l’état moral où elle est, livrée aux vices que deux de ses publicistes nous décrivaient tout à l’heure, et qui en 1848 encore l’ont perdue, serait impuissante à en profiter. Il n’a pas manqué, depuis les Normands, de guerres générales en Europe : l’Italie n’est sortie indépendante et unie d’aucune. Pourquoi cela ? Ce ne sont pas les Autrichiens qui en sont la cause, pas plus que les Français et les Espagnols avant eux : ce sont les Italiens eux-mêmes. Avant d’appeler si ardemment une guerre nouvelle, que les apôtres de cette guerre commencent donc du moins par comprendre que l’Italie a le plus grand intérêt à se mettre avant tout en état de n’en pas devenir, comme cela s’est vu tant de fois, la victime, la proie et le prix.

Après l’indépendance nationale, le grand texte des publicistes italiens est la liberté politique. Rien encore, assurément, de plus permis et de plus noble à des écrivains que d’entretenir leur pays d’un tel sujet, et de lui montrer dans la conquête d’institutions libres un des buts auxquels il ne doit cesser de tendre. Cependant, s’il est un thème de publicité qui demande à être traité avec une intelligence toujours présente de la mesure dans laquelle le peuple devant qui on l’agite est capable d’en supporter le développement, c’est à coup sûr celui-là. C’est là ou nulle part que les lieux, les temps, le caractère et l’esprit de la nation, son passé, son présent, doivent être mûrement considérés ; c’est là, avant de proposer quelque système et surtout quelque entreprise que ce soit, qu’il faut examiner de près, comme