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peine l’enchaînement des idées qui ont donné naissance au nouveau système, et l’ensemble des opinions dont il se compose.

L’école piémontaise et ses doctrines, suivant l’abbé Gioberti, ont définitivement fait leur temps. Cette école poursuivait la résurrection (il risorgimento) de l’Italie par des voies dont l’expérience a montré la vanité, et qu’il serait chimérique de suivre plus longtemps. Il n’est pas un seul des termes de son programme qui puisse être de quelque usage aujourd’hui. Le risorgimento se fondait à l’intérieur sur l’union patriotique des princes italiens entre eux, et il n’en est presque pas un qui n’ait renié l’Italie et formé alliance avec ses ennemis, — sur l’entente cordiale des princes et des peuples, et il n’est presque pas un des princes encore qui, par sa perfidie, son manque de foi et ses retours aux idées rétrogrades, n’ait rendu ridicule l’idée même d’avoir la moindre confiance en lui : le roi de Sardaigne, il est vrai, fait exception ; mais que peut-il seul contre tous ? — sur l’accord des diverses classes de la population entre elles ; mais gouvernemens et factions à l’envi ont jeté ces classes dans une désunion et une haine les unes des autres plus grandes que jamais jusqu’ici : à l’exception d’un petit nombre de membres du bas clergé et d’un plus petit nombre encore de dignitaires de l’église, tous les ecclésiastiques contemporains sont redevenus des séides du jésuitisme, de l’absolutisme et du statu quo, et par là vivent avec le reste de la population laïque dans une hostilité flagrante et permanente. Quant à cette population laïque elle-même, l’esprit de secte l’a en quelque façon réduite en poussière. Les nobles envient les plébéiens et en sont enviés à leur tour ; les conservateurs sont en guerre avec les démocrates ; la plèbe, que les hautes classes ont trompée, les regarde de travers (le guarda in cagnesco), et les riches entrent en frayeur au seul nom de socialistes. Les fédéralistes tournent vers le Piémont leurs dernières et vaines espérances ; les radicaux et les rétrogrades se livrent sur le sol de la pauvre Italie une guerre désespérée. Les provinces enfin ne sont pas moins divisées les unes des autres : la Lombardie et Gênes tiennent plus ou moins rancune au Piémont, la Sicile ne peut souffrir Naples, et Rome est devenue odieuse à tout le monde. — À l’extérieur, le risorgimento reposait sur un principe qui n’est pas moins détruit, à savoir l’accord des aspirations publiques de l’Italie avec celles de toute l’Europe : avant 1848, tous les peuples européens marchaient de concert, et l’Italie avec eux, à la conquête ou à l’affermissement de la liberté politique. Où en est ce mouvement aujourd’hui ? La politique du risorgimento, quelque mérite qu’elle ait pu avoir en son temps, est donc une politique épuisée, et c’est à la remplacer par un système d’opinions et de conduite plus en harmonie avec les besoins des temps qu’il faut aviser.

Ce système nouveau est celui que l’abbé Gioberti a conçu, et qu’il