Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 7.djvu/32

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

consulte du 12 mars 1812. Il avait destiné celles-ci à la garde exclusive des places fortes et des frontières de l’empire ; mais, en présence des dangers du pays, il n’hésita pas à les approprier aux exigences du service actif. Puis, il appela sous les drapeaux tous les jeunes gens des classes de 1810, 1811, 1812 et 1813 qui n’étaient point tombés au sort, leva par anticipation la conscription de 1814, réintégra dans les cadres de l’armée de terre les bataillons qu’il avait attachés à chacune de nos divisions navales, troupes excellentes, composées tout entières de vieux soldats, avec lesquels il reconstitua ses régimens de la vieille garde ; il rappela d’Espagne tous ses bataillons d’élite.

Mais ce n’était pas assez d’avoir des hommes ; il fallait en faire des soldats, les instruire, les discipliner, leur inculquer le goût et l’habitude des armes, et de tous ces élémens, si jeunes encore, composer un tout complet et solide qui pût se mouvoir avec autant de souplesse que de précision et de vigueur. Pour opérer cette transformation, et l’opérer avec la célérité que commandaient les circonstances, il fallait des cadres nombreux. Là résidait la grande difficulté de l’œuvre entreprise par l’empereur. Les cadres faisaient partout défaut. Napoléon ne cessait d’écrire au major-général : « Hommes, chevaux, voitures, artillerie, rien ne manque ici ; des généraux, des officiers, des cadres, voilà ce qui nous manque ; envoyez-nous des cadres. » Malheureusement les pertes de la grande armée avaient été si considérables, qu’à peine lui restait-il assez de cadres pour instruire et former une trentaine de bataillons. Il fallut bien, au risque d’affaiblir sensiblement nos armées d’Espagne, leur demander les ressources que nous refusait l’armée de Russie. En conséquence, l’empereur en tira un grand nombre de cadres et une multitude infinie d’officiers de tous grades ; il amalgama ces vieux élémens avec les nouveaux, et réussit à donner, sinon à tous ses régimens, du moins à sa jeune et vieille garde et à quelques-uns de ses corps d’armée, de l’ensemble et de la solidité.

La réorganisation de la cavalerie rencontrait des obstacles plus grands encore ; pour mettre en ligne la formidable cavalerie qui avait fait l’expédition de Russie, il avait fallu épuiser la majeure partie des ressources que possédaient la France et l’Allemagne. Cependant nous étions en présence des nécessités les plus impérieuses : il nous fallait absolument, et dans un délai très court, de 70 à 80,000 chevaux : 58,000 pour la remonte de nos escadrons, 22,000 pour nos batteries et nos équipages. L’empereur estimait[1] que la France possédait encore assez de chevaux pour lui en fournir cette année environ 50,000 ; il espérait trouver les 30,000 autres en Allemagne.

  1. Lettre de l’empereur à M. de Cessac. (Dépôt de la guerre.)