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lie, sur laquelle il a réfléchi autant, sinon plus qu’aucun autre Italien de son temps, paraît l’avoir amené à cette conviction, que tout son livre respire, que l’école piémontaise, qui gouverna l’opinion italienne de 1840 environ à 1848, a indiqué le vrai et unique remède qui puisse porter quelque soulagement aux maux de la péninsule, et préparer sa reconstitution nationale dans un temps donné. Les tristes événemens qui se sont succédé depuis 1848 n’ont pas ébranlé son opinion, il sait ce que ces événemens ont révélé dans l’esprit italien de défaillances morales de tout genre ; mais le spectacle, quelque triste qu’il soit, de ces défaillances, ne l’a en rien troublé, et il croit que le langage du Primato, des Speranze, des Ultimi casi di Romagna, est toujours le langage qu’il faut tenir aux peuples et aux princes de l’Italie. La conclusion des Istorie, morceau plein de fermeté et de mesure, mérite d’être citée à cet égard comme la profession contemporaine de principes la plus digne d’attention et d’éloges que, depuis M. d’Azeglio, l’école piémontaise ait produite.


« ….. Avant de terminer cet ouvrage, dit M. Ranalli, il ne sera pas inutile de remarquer que le mépris des constitutions octroyées et jurées ne consolide pas les gouvernemens rétablis, mais porte seulement un grave et effrayant dommage à la religion et à la morale publique. C’est un préjugé de croire que la raison d’état puisse rendre honnêtes des actes que la morale privée condamne. Les exemples publics parlent plus haut encore que les actes privés, et s’il est vrai qu’un mauvais gouvernement soit l’effet ordinaire de la corruption d’un peuple, il n’est pas moins vrai non plus que la corruption des peuples ne fait qu’aller croissant sous les mauvais gouvernemens. Les masses reflètent comme des miroirs, dans de plus ou moins grandes proportions, les vices de leurs gouvernans. Quand elles les voient n’avoir cure ni souci de la foi jurée ni des sermons, se montrer iniques et vindicatifs, elles prennent les mêmes inclinations à la déloyauté, à la perfidie, à l’arrogance, à la colère, à la vengeance. Peu à peu alors les liens de la religion et de la morale, ces fondemens de toute société humaine, se dénouent ou se relâchent. On en fait de tardives et inutiles lamentations, et on en attribue la cause aux agitations révolutionnaires de la plèbe ; mais c’est une erreur : ces agitations ont pour vraie cause la corruption existante, sans laquelle elles seraient sans effet, et sans laquelle aussi les révolutions ou n’arriveraient pas, ou se termineraient pacifiquement et, à la satisfaction de tous. On peut donc, sans témérité, affirmer que si, à un nouveau changement dans les affaires publiques, la licence — que Dieu détourne. ce présage ! — triomphe plutôt encore que la liberté, il en faudra attribuer la principale raison à ces gouvernemens qui vont partout et de toute manière semant la corruption. Il est vrai que ceux-ci se disent que les révolutions dont on les menace, et qu’ils prennent soin d’attiser eux-mêmes en fomentant ainsi la division et la haine, se jetteront dans des excès qui rendront encore le retour de la tyrannie nécessaire ; mais qu’ils prennent garde de rester ensevelis sous les ruines qu’ils