Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 7.djvu/318

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’ouvrit pour la péninsule, aussi raisonnable et aussi honnête que l’ère de complots qui avait précédé avait été misérable et folle. Dépossédés par trois hommes de cœur et de talent de ce gouvernement de l’opinion dont ils avaient, pour le malheur de leur pays, abusé si longtemps, les révolutionnaires étonnés se turent, et on put croire un moment, tant l’esprit public les abandonnait, que l’Italie enfin les avait à jamais jugés.

Le programme piémontais cependant ne resta pas, tant s’en faut, lettre morte. Il déplut violemment à la cour de Vienne, qui y vit poindre, pour le maintien du statu quo dans lequel elle se complaisait, des difficultés autrement graves que celles que pouvait lui susciter tel complot révolutionnaire que ce fût ; mais cette cour exceptée, tous les autres gouvernemens de l’Italie ressentirent une influence des idées nouvelles, qui, Grégoire XVI étant mort et le cardinal Mastaï exalté à sa place, se traduisit bientôt dans une suite d’événemens aussi significatifs qu’imprévus. Alors en effet s’ouvrit cette ère réformatrice qu’en juillet 1846 le pape Pie IX inaugura par l’amnistie, dont le généreux enthousiasme, dans les dix-huit mois qui suivirent, gagna, de Païenne à Turin, tous les gouvernemens de l’Italie, et que, même quand tout semblait désespéré ailleurs, M. Rossi continua héroïquement à Rome jusqu’au jour néfaste où le poignard d’un misérable interrompit ses nobles desseins.

Cette époque pleine d’espérances, et qui avait paru d’abord appeler la péninsule à de grandes destinées, finit, comme on sait, brusquement avec la révolution sans nom qui força le saint-père à se réfugier à Gaëte. Depuis, le mouvement de réformes qui avait alors animé l’Italie, et qui l’honorera toujours, a fait place presque partout à la restauration pure et simple des anciens abus ; mais l’ère réformatrice n’a pas passé complètement inutile cependant, et il en reste deux grandes choses : — la tribune de Turin et l’invincible mépris de l’Europe pour les menées d’une réaction qui prétendrait, ne tenant aucun compte des nobles souvenirs de 1846, ramener l’Italie aux carrières d’un régime justement abhorré.

Et qu’est devenue la sage et forte école à qui revient l’honneur entier du mouvement d’opinion d’où, à travers tant de hasards, sont sortis ces deux grands résultats ? Elle existe toujours, et elle rallie encore, de l’autre côté des monts, tous ceux qui, comme l’abbé Gioberti, M. de Balbo et M. d’Azeglio le disaient avant 1848, n’ont pas cessé de penser que l’Italie, si elle a chance encore de se régénérer, ne saurait le faire que par les voies d’un libéralisme aussi patient que résolu. L’auteur des Istorie, M. Ranalli, appartenait à cette école dès 1846 ; il lui est resté fidèle, et il en est aujourd’hui l’organe le plus éloquent. L’histoire des dix dernières années de l’Ita-