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violence. Quand chez une nation tout le monde reconnaît la justice d’une chose et la veut, cette chose est faite. La régénération de l’Italie est une œuvre que nous pouvons conduire les mains dans nos poches… » Ces paroles et la brochure Degli ullimi casi di Romagna, qui les contenait, eurent le plus grand et le plus heureux retentissement dans la péninsule. Tous les patriotes que la cécité de l’esprit révolutionnaire n’avait pas complètement atteints se rallièrent au plan de conduite si nettement formulé par M. d’Azeglio, et bientôt parut le programme entier d’une école nouvelle, qui fut, de la nationalité de ses premiers auteurs, dite l’école piémontaise. L’abbé Gioberti et M. de Balbo, le premier dans son traité del Primato et le second dans ses Speranze d’Italia, furent surtout les rédacteurs de ce programme. M. Ranalli en donne un résumé d’une exactitude parfaite. « … Les états italiens ne sont pas mûrs pour la république, dit l’école piémontaise ; le régime constitutionnel même serait trop avancé pour eux et ne leur est pas nécessaire : ce qui leur convient, c’est une fédération de monarchies tempérées qui gouvernent conformément aux vœux de la nation, vœux exprimés à la fois par des assemblées consultatives composées des plus honnêtes gens des divers pays, et par une presse libre, sous le contrôle d’une censure bienveillante. Ce qui leur convient, c’est que cette fédération de princes, à qui on ne demande que d’être bien intentionnés et de bonne foi, se constitue sous la présidence du souverain pontife, et l’Italie reconquerra bientôt cette prééminence civile et morale dont la nature et la Providence l’ont à l’envi dotée… » Mais, dira-t-on, que devenait la domination autrichienne dans ce système ? Aussi habiles que mesurés, les publicistes piémontais réservaient cette grave question. L’abbé Gioberti même ne faisait alors nulle difficulté de dire qu’il fallait admettre l’empereur d’Autriche dans la fédération italienne, comme il était admis à Francfort dans la confédération germanique. M. de Balbo, un peu plus tard, parlait bien, il est vrai, de la nécessité pour l’Italie de recouvrer son indépendance ; mais c’était une œuvre dont il ne demandait l’achèvement qu’au temps et à l’action de la diplomatie européenne. S’inspirant sans doute du fameux mémoire que M. de Talleyrand, en 1805, remit par deux fois, et deux fois inutilement, hélas ! à Napoléon, M. de Balbo se bornait à faire entrevoir une époque où, la dissolution de l’empire d’Orient amenant un remaniement inévitable dans la distribution des territoires, on pourrait offrir à l’Autriche, sur le Danube, en Valachie, en Moldavie, en Bessarabie même et en Bulgarie (M. de Talleyrand en 1805 allait jusque-là) des compensations assez grandes pour la décider à renoncer volontairement à ses possessions italiennes. Et ainsi, grâce à la nouvelle école, une ère d’espérance