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ment du monde autant d’affidés qu’elle en veut ! Ce fut naturellement le sort de la société des unitaires, de celle des rayons et du carbonarisme, et c’est encore très visiblement celui de la Jeune-Italie. Aussi, sans parler, chose fort inutile, de la parfaite absurdité et des plans et des vues de ces sectes successives, peut-on dire que la seule tâche qu’elles aient toujours complètement remplie, et qu’elles continuent à remplir encore, est de fournir aux gouvernemens contre lesquels se sont ourdis ou s’ourdissent leurs complots des agens d’information et des prétextes de réaction incomparables. Quant à l’histoire des mouvemens insurrectionnels organisés durant notre demi-siècle par cette savante école révolutionnaire, qui ne sait qu’elle a toujours été la même ? Depuis la prise d’armes d’Ancône en 1800 jusqu’à celle de Calabre en 1844, quel est celui de ces mouvemens qui ait abouti à autre chose qu’à faire périr misérablement les pauvres dupes des prédications et des promesses des chefs de l’école ? Quand on parcourt ce long et sanglant martyrologe qui s’ouvre à Aucune par le nom du général Lahoz et qui se termine à Cosenza par celui des frères Bandiera ; quand on se rappelle les mouvemens insensés de 1821, 1831, 1833, 1837, 1841, 1848, on ne sait quel sentiment on doit exprimer le premier, de la pitié pour tant de malheureuses victimes, ou de l’indignation contre les misérables qui, se donnant bien de garde de partager de tels périls, les y ont lâchement poussées.

Il arriva cependant enfin un jour en Italie où la lumière se fit dans les consciences droites et dans les esprits sains sur le danger de laisser l’opinion s’égarer plus longtemps à la suite de la méprisable école des sociétés secrètes. Trois publicistes, tous les trois originaires du Piémont, l’abbé Gioberti, M. de Balbo et M. d’Azeglio, s’adressant dans un langage élevé et calme au bon sens de leurs compatriotes, les conjurèrent de laisser là des pratiques dont le moindre inconvénient était d’être absolument impuissantes, et de demander à d’autres moyens plus honnêtes et plus sûrs l’affranchissement et la régénération de leur pays. M. d’Azeglio surtout se distingua par la noble et persuasive simplicité avec laquelle il parla ce langage de l’honneur et de la raison. C’était au lendemain de l’insurrection de Rimini. « ….. Protester contre l’injustice ouvertement, publiquement, de toutes les manières et dans toutes les occasions possibles, dit M. d’Azeglio, tel est quant à présent le mode d’action, le seul utile et le seul puissant. Plus de protestation à main armée comme à Rimini. Pour protester ainsi, il nous faudrait deux cent mille hommes et deux cents canons à mettre en ligne ; mais à ne réunir que quelques rares baïonnettes, nous nous attirons la risée de l’Europe… La force de nos protestations doit consister à nous interdire rigoureusement la