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vailler à la continuer en l’épurant, au lieu de chercher à mettre en œuvre les richesses dont elle est pleine, et nous oublions qu’elle est cependant le seul reste de cette antique prééminence et de cet antique cosmopolitisme que nous avons exercés dans le monde !….. »

Aveu bien remarquable et bien sincère assurément dans la bouche d’un prêtre aussi peu suspect de tendances rétrogrades que l’était l’auteur du Jésuite moderne ! Il ne faut pas exagérer la portée, déjà bien assez grande par elle-même, de cet aveu, mais n’est-il pas singulier que ce soit dans le pays qui a encore l’honneur de servir de métropole à la religion catholique que cette religion soit le moins entourée du respect général ? Y a-t-il des états quelque part qui vivent en médiocre intelligence avec le saint-siège ? Ce sont des états italiens. Qu’il faille accuser de cette mésintelligence le saint-siège ou ces états, nous n’en voulons pas ici disputer ; nous signalons le fait, et nous remarquons que, pour une raison ou pour une autre, bonne ou mauvaise, peu importe, le gouvernement français et le gouvernement autrichien n’ont avec Rome aucune des querelles que Rome a entretenues dans ces derniers temps non-seulement avec le Piémont, mais avec Naples. Quant au peuple, où en est chez lui la foi catholique ? Dans un sujet aussi épineux, les affirmations sont pleines de périls, mais nous ne craignons pas de rien avancer d’excessif en disant, après l’abbé Gioberti, que cette foi est très ébranlée en Italie, et en ajoutant par exemple que le catholicisme aujourd’hui y a moins de racines qu’il n’en a même en France ou en Autriche. Sans entrer dans une discussion par trop délicate, il suffit de constater pour l’éclaircissement de notre pensée une seule chose, à savoir qu’à l’heure où nous écrivons, il serait vraisemblablement encore impossible de remettre avec une entière sécurité la garde de la cour de Rome à une armée exclusivement italienne. Ce fait, dont, croyons-nous, toutes les personnes bien informées de l’état de l’esprit italien tomberont d’accord avec nous, n’a pas besoin de commentaire. Nous n’en voulons tirer après l’abbé Gioberti d’autre conséquence que celle qu’il en tire lui-même, c’est qu’en perdant chaque jour de plus en plus la puissante originalité religieuse qui en a fait pendant tant de siècles la métropole d’une partie du genre humain, l’Italie marche plutôt vers l’entier effacement que vers une reconstitution quelconque de son individualité nationale.

La littérature en Italie est-elle en meilleur état que la religion ? Non certainement. « Tandis que les grands peuples nos voisins commencent ou consolident leur unité nationale, en se formant ou en entretenant une littérature qui leur est propre, dit l’abbé Gioberti, nous laissons se dissiper et se perdre le double trésor que nous avons reçu de nos pères et de nos aïeux….. » Il est incontestable en effet