Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 7.djvu/307

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les Italiens n’est pas de savoir s’ils seront gouvernés par un ou plusieurs rois, ou s’ils formeront une ou plusieurs républiques ; la question est de savoir s’ils secoueront ou ne secoueront pas la domination étrangère. Ils auront toujours le temps, une fois cette domination renversée, de disputer à l’aise entre eux du plus beau des gouvernemens possibles. Cette idée si simple cependant est la dernière qui ait pénétré dans les têtes italiennes, et la chose capitale pour les partis italiens, ce n’est pas de savoir si l’Italie sera ou ne sera pas indépendante : c’est de savoir si elle sera fédéraliste ou unitaire ! Et cela va si loin, qu’en vérité on ne sait pas, lisant les discours que tiennent les unitaires sur les fédéralistes, et réciproquement, si les uns ou les autres accepteraient l’indépendance de l’Italie à la condition de voir cette indépendance amener le triomphe du système de leurs adversaires. Ainsi autrefois les guelfes n’auraient pas voulu voir leur patrie libre, si elle avait dû l’être sous le sceptre d’un empereur d’Allemagne, ni les gibelins, s’il leur avait fallu remettre ce sceptre à un pape.

L’histoire des unitaires est toute moderne : non pas que l’idée de faire un seul état de toute l’Italie soit nouvelle, mais elle ne s’était jamais produite sous la forme que lui a donnée le nouveau parti qui la propage, et qui prétend la faire triompher un jour. La péninsule, dans les idées de ce parti, ne doit former, de Suse à Reggio, qu’une seule république gouvernée par une convention siégeant à Rome. L’étranger une fois chassé du sol de l’Italie, il n’y aura plus sur ce sol ni Génois, ni Piémontais, ni Milanais, ni Vénitiens, ni Modenois, ni Parmesans, ni Toscans, ni Romagnols, ni Napolitains ; il n’y aura plus que des Italiens, comme il n’y a plus aujourd’hui en France ni Normands, ni Bretons, ni Basques, ni Angevins, ni Bourguignons, ni Picards, mais seulement des Français. Quant au choix de Rome comme capitale de cette république de seize millions d’hommes, il s’explique de lui-même par la situation géographique et par les admirables souvenirs de cette grande cité. Rome, il est vrai, cessera d’être alors la Rome des papes, mais elle sera la Rome du peuple, et cette majesté nouvelle lui tiendra aisément lieu de l’autre. Quant au pape, que font vivre encore les préjugés catholiques de quelques nations, de la France et de l’Autriche surtout, l’Italie, qui ne saurait plus en effet, dans ce système, lui servir de résidence, se délivrera très volontiers du fardeau et des embarras que cette résidence lui impose. Puisque les Français sont si grands partisans du pape, qu’ils le prennent chez eux : les papes ont résidé près d’un siècle à Avignon, et le catholicisme n’en est pas mort. Les Français ne veulent-ils pas donner une résidence à la papauté, que les Autrichiens s’en chargent et qu’ils l’établissent quelque part, à Prague ou à Inns-