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est digne d’attention. La politique préconisée par l’abbé Gioberti comme seule capable de procurer quelque jour la délivrance de l’Italie n’est pas restée enfouie dans son livre ; loin de là : toute l’Italie l’y a trouvée et est venue l’y méditer, et s’il serait exagéré de dire que c’est d’elle seule aujourd’hui qu’à l’école du célèbre abbé les Italiens attendent leur salut, il faut cependant reconnaître non-seulement qu’elle a fait les plus grands progrès dans leurs esprits, mais même qu’elle a commencé d’inspirer déjà d’une manière visible la conduite du plus important des gouvernemens de la péninsule, je veux dire le gouvernement piémontais.

M. Ranalli n’a pas jusqu’à présent la notoriété de l’abbé Gioberti, et le Istorie italiane n’ont pas fait autant de bruit que le Rinnovamento ; cela ne veut pas dire néanmoins que son œuvre ne mérite pas, hors de l’Italie surtout, autant d’attention que celle du publiciste célèbre dont nous voulons la rapprocher. M. Ranalli n’a jamais été ministre, comme l’a été l’abbé Gioberti : il n’a jamais eu non plus, comme lui, que nous sachions, les honneurs de la prison, ni de l’exil ; mais son ouvrage révèle des qualités de jugement et d’esprit qui, ici du moins, ont droit d’être estimées ce qu’elles valent. M. Ranalli, si nous ne nous trompons, n’était connu en Italie, jusqu’à l’apparition de ses Istorie, que par la publication d’un cours de littérature (Ammaestramenti di Letteratura), qui, par la pureté des doctrines, avait fixé l’attention des gens de goût. C’est dans cette sphère paisible de la contemplation des lois du beau qu’un jour le patriotique désir l’a pris de venir, lui aussi, dire à ses concitoyens ce qu’il pensait des moyens, non plus de soutenir l’honneur de leurs lettres, mais de rétablir, s’il était possible, celui de leurs affaires. M. Ranalli a-t-il été heureux dans cette transformation toujours délicate du professeur en publiciste ? L’accueil fait à son livre dans toute l’Italie, pour les Italiens du moins, a tranché la question en faveur de M. Ranalli, et, pour nous, nous croyons ainsi la question bien jugée. L’auteur des Istorie n’est pas un écrivain di vena comme était l’abbé Gioberti ; il n’en a pas l’abondance, la facilité ni la verve, mais en somme, et à tout prendre, il écrit mieux que lui. Le style des Istorie est remarquable de pureté, de précision et d’élégance. M. Ranalli est, comme écrivain, de la grande école du XVIe siècle ; c’est un classique dans le sens élevé du mot, et on voit aisément qu’il a appris à écrire dans l’admirable prose de l’Histoire de Florence et du Discours sur Tite-Live. On n’est pas un écrivain de ce solide mérite sans avoir l’esprit élevé et droit ; aussi les Istorie de M. Ranalli, pour le fond comme pour la forme, sont-elles dignes de la rapide faveur qu’elles paraissent avoir obtenue. Le seul défaut qu’elles trahissent provient, comme cela était inévitable, de la nature du sujet. En écri-