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au comte de Clausewitz, officier prussien qui était passé au service des Russes et « je lui avait envoyé le général Diebitch, la déclaration suivante : « Je resterai aujourd’hui 29 à Taurogen, et demain 30 je pousserai mes colonnes, sans être inquiété, dans la direction de Tilsitt. Alors, si d’une part je trouve la route de Tilsitt occupée, si de l’autre un corps ennemi me ferme le chemin de Neustadt, si enfin je ne puis reculer, je conclurai la convention suivante :

« Le corps placé sous mon commandement conservera les positions de Tilsitt et de Memel, et tout le pays situé entre ces deux points. Sur ce terrain neutre, le corps restera inactif jusqu’à ce qu’il ait reçu du roi mon maître une nouvelle destination. Dans le cas où le roi ne m’approuverait pas, je resterai libre de me diriger vers le point que m’indiquera sa majesté. »

Le 29, Seidlitz arriva de Berlin, et ce même jour le général reçut par le capitaine de dragons Wentsdorf un message verbal du maréchal Macdonald qui l’informait de la défaite des Russes à Pictupohnen et lui prescrivait de hâter la marche de sa colonne. À la lecture de cette lettre, York crut qu’il était le jouet des impostures de Paulucci et de Diebitch, il dit à Clausewitz : « Je ne veux plus avoir rien à démêler avec vous ; je ne conserve plus aucun doute : vos troupes ne paraissent pas ; vous êtes trop faibles ; je vais marcher en avant et m’abstenir désormais de négociations qui pourraient me coûter la tête. » Pour toute réponse, Clausewitz lui remit une dépêche adressée par le général d’Auvray, aide-de-camp du comte de Wittgenstein, au général Diebitch, qui lui faisait connaître les positions que les divisions russes devaient occuper dans la journée du 31. York lut cette lettre attentivement, puis, tendant la main à Clausewitz, il lui dit : « Je suis tout à vous. Rapportez au général Diebitch que je me trouverai demain matin aux avant-postes russes. » Il renvoya immédiatement Wentsdorf non à Macdonald, mais à Massenbach pour l’instruire de tout ; puis il réunit autour de lui ses généraux et officiers et leur dit : « L’armée française a été anéantie, foudroyée par les décrets de la Providence. Le moment est venu de recouvrer notre indépendance en nous alliant aux Russes. Quiconque voudra, comme moi, risquer sa vie pour sa liberté et sa patrie n’a qu’à suivre mon exemple. Quelle que soit l’issue de l’entreprise que je tente aujourd’hui, je garderai, en tout cas, mon estime à ceux qui, ne partageant pas ma manière de voir, ne voudront pas s’associer à mes résolutions. Si je réussis, le roi notre maître daignera peut-être me pardonner ; si j’échoue, ma tête est perdue. » Pas une voix ne s’éleva pour protester contre la résolution du général.

Le 31 décembre, la convention fut conclue et signée à Taurogen dans les termes précis qu’avait rédigés le général York. À la lecture de l’ordre du jour qui leur annonçait la conclusion de la convention.