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MARTHE

deuxième partie.[1]

VII.

La joie et la confiance inspirées à Manuel par la visite de Marthe n’avaient pas été de longue durée. Elle avait à peine quitté sa chambre depuis quelques instans, que le doute le torturait de nouveau. L’excitation cérébrale qui en résulta vint compliquer très gravement son état. Une fièvre ardente se déclara. Les événemens des jours précédens, transfigurés par le délire, se combinaient de mille façons dans sa tête malade. Quelquefois il causait avec Marthe comme si elle eût été présente ; d’autres fois il se dressait sur son lit, et fixant sur Juan un œil hagard, il lui disait d’une voix creuse et terrible : — Sais —tu qu’elle est allée voir George ? — Ou bien il saisissait sa main et lui répétait plusieurs fois de suite avec l’accent de la démence : — Crois-tu qu’elle m’aime ? crois-tu qu’elle m’aime ? — ce à quoi le pauvre Juan ne savait que répondre.

Le médecin, qui, le premier jour, avait exagéré le danger de la blessure de Manuel pour se procurer la gloire d’une cure merveilleuse, mais qui savait très bien au fond qu’elle n’avait aucune gravité, ne comprenait rien à ce qu’éprouvait son patient, et après lui avoir vainement administré toutes les potions calmantes et toutes les pilules soporifiques en usage à B…, il finit par avouer franchement son embarras. Juan, désolé, ne vit plus qu’une chance de sauver son ami, et cinq jours après la visite de Marthe il partit un soir pour

  1. Voyez la livraison du 1er janvier.