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et ce qui ne l’est pas, ce qui est bon et ce qui n’est que chimérique, et c’est ce que l’auteur de l’Histoire de la révolution dans les Deux-Siciles ne montre que par aperçus, sous un jour un peu trop officiel. Voici maintenant M. Barthélémy Saint-Hilaire qui, dans une série de Lettres sur l’Égypte, recueillies avec soin, touche à une de ces affaires, à un de ces projets que notre siècle, dans sa prodigieuse activité, ajoute à toutes les questions qui l’occupent : c’est le percement de l’isthme de Suez, œuvre destinée à rapprocher l’extrême Orient et l’Occident. M. Barthélémy Saint-Hilaire n’est pas seulement l’historiographe des travaux préliminaires de la commission internationale pour le percement de l’isthme ; il voyage en observateur judicieux, décrivant l’Egypte dans sa situation morale et matérielle.

Est-ce à dire que tout se résume dans ces études affairées sur quelques-uns des problèmes contemporains ? Bien loin du présent et de la politique, un magistrat de distinction, M. Oscar de Vallée, est allé chercher une sorte de délassement généreux en écrivant un livre sur l’Éloquence judiciaire au dix-septième siècle. Nous ne sommes plus ici dans notre temps, nous ne vivons plus au milieu des projets industriels, des révolutions et des conflits diplomatiques de tous les jours ; Louis XIV règne, une société majestueuse vit dans l’ordre et le silence. Dans un coin de cette société, un jeune avocat de la famille des Arnauld, Antoine Lemaistre, est une des lumières du barreau, et cet avocat, après avoir brillé par l’éloquence, deviendra bientôt un des hôtes de Port-Royal. C’est cette vie commencée au bruit du palais, terminée dans la solitude du cloître, que M. Oscar de Vallée raconte, et il ne se contente pas de peindre le grand avocat transformé tout à coup en grand solitaire ; il peint aussi l’époque en exhumant quelques-unes de ces causes où se révéla l’éloquence de Lemaistre, et qui aident à pénétrer jusque dans la vie intime du XVIIe siècle. Après tout, notre temps n’est pas le seul qui ait eu ses scandales judiciaires, ses affaires de séduction et de séparation ; il en fait un peu plus de bruit, voilà tout. Un des grands charmes de ce livre, c’est que M. Oscar de Vallée aime son héros ; il lui a voué une studieuse tendresse ; sa science est mêlée d’esprit et d’agrément, et si on objecte que Lemaistre eut plus d’une fois dans sa vie l’occasion de soutenir des avis opposés, de plaider un jour contre son opinion de la veille, l’auteur peut défendre encore son héros avec avantage, car tout s’est perfectionné depuis que Lemaistre vivait, et il y a eu des temps où tous les changemens d’opinions, même de la part des avocats, ne conduisaient pas aux austérités et aux renoncemens de Port-Royal.

De tous ces livres nouveaux et si divers qui promènent l’esprit à travers toutes les régions, les Mémoires du maréchal Marmont, duc de Raguse, sont sans nul doute un des plus curieux aujourd’hui. Ils ne sont pas de la plus rare impartialité, ces Mémoires ; mais s’ils avaient cette mesure impartiale, seraient-ils des mémoires ? Le caractère de ces sortes de livres n’est-il point au contraire d’offrir un témoignage sincère, spontané, passionn même, et où disparaissent toutes les réticences ? L’intérêt s’y joint lorsque l’homme qui laisse ces confidences posthumes a été mêlé aux affaires de son siècle, a connu ses contemporains et a pu avoir, lui aussi, le secret de l’empire. Le maréchal Marmont réunissait ces conditions. Il ne modifie pas par ses récits le