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plus animées. Le prince-lieutenant répondait à l’adresse de l’opposition par des paroles sévères ; il maintenait malgré tout son cabinet et dissolvait la chambre. Les députés protestaient à leur tour, et enfin le 2 décembre paraissait une proclamation du roi grand-duc, qui déclarait que la constitution de 1848 avait fait son temps. Une constitution nouvelle a été promulguée. Ces faits, tombant au milieu des vives discussions qui s’agitaient dans le parlement de La Haye, ne laissaient point de produire une sensation singulière. On ne pouvait rien cependant, car le Luxembourg est entièrement distinct et indépendant de la Néerlande ; il a son organisation propre, sa législation, et il n’est uni à ce royaume que par le lien dynastique, parce que le roi Guillaume III porte à la fois la couronne des Pays-Bas et la couronne grand-ducale. Le sentiment public a trouvé toutefois à se manifester dans la presse comme dans la chambre elle-même. Un député hollandais, M. Sloet, a exprimé le désir que le cabinet ne cherchât point à profiter des circonstances actuelles pour faire valoir certaines prétentions financières que la Néerlande conserve toujours vis-à-vis du grand-duché. De tels événemens ont sans doute un caractère tout intérieur. N’est-on pas frappé toutefois de cette étrange persistance de la confédération germanique à étendre partout la main pour paralyser les manifestations les plus pacifiques de l’esprit de liberté ? En Hollande et en Danemark, dans le Luxembourg comme dans le Holstein, il en est de même. Voilà à quoi s’emploie l’esprit allemand, — représenté, il est vrai, par la diète de Francfort.

Cette lutte entre les idées libérales qui résistent et les tentatives d’absolutisme qui se manifestent de temps à autre par des réformes de constitutions est aujourd’hui l’histoire de bien des pays. Sauf la pression de l’influence étrangère, c’est l’histoire de l’Espagne, et si cette lutte ne s’agite point dans un parlement au-delà des Pyrénées, elle n’est pas moins active et ardente ; elle explique toute la situation de la Péninsule, une situation qui se prolonge depuis quelques mois déjà, et où rien ne semble assuré. Le ministère présidé par le général Narvaez est-il menacé dans son existence ? A-t-il une politique bien décidée, où l’on sente quelque vigoureuse initiative ? Cette question même est une des premières singularités des affaires actuelles de l’Espagne. C’est qu’en effet rien n’est plus singulier que l’état présent de la Péninsule. Un ministère s’est formé, il y a trois mois, en vue de la restauration d’un régime régulier, il a pour chef un homme dont la supériorité individuelle est universellement reconnue, et qui a l’avantage d’avoir une notoriété européenne. Aucune résistance extérieure ne lui fait obstacle, et cependant rien ne prend un caractère régulier, tout est précaire, et le gouvernement lui-même, au milieu de la soumission apparente des partis, semble frappé d’une secrète impuissance. Cela est si vrai, que dans les rangs du parti modéré on s’amusait récemment à dire : « Ce n’est pas notre Narvaez qui est au pouvoir, c’est Espartero qui a pris le masque et l’habit du duc de Valence. Notre Narvaez est encore à Paris ; quand il arrivera, les affaires prendront une autre allure. » Sous une forme plaisante, c’était indiquer le rôle prééminent toujours attribué au président du conseil et en même temps donner une idée des incertitudes de la situation de l’Espagne.

Ces incertitudes tiennent à diverses causes, dont la première est cette sorte