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dans le système général de l’Europe. Alors se sont révélés les dissentimens et les divergences, comme pour laisser apparaître les véritables tendances de toutes les politiques. L’interprétation du traité de Paris, prétexte facile de ces dissentimens, est donc devenue le fait principal de cette dernière partie de l’année, et pendant que les cabinets en étaient à savoir à qui appartiendrait Bolgrad, si l’Autriche et l’Angleterre se décideraient enfin à battre en retraite en rappelant leurs forces de la Turquie, c’est-à-dire, en un mot, si la paix serait une vérité, d’autres incidens, d’autres complications se succédaient. La question italienne amenait une rupture diplomatique de la France et de l’Angleterre avec Naples. Un différend moins prévu, celui de Neuchâtel, mettait en présence la Prusse et la Suisse. L’Angleterre se préparait à continuer en Perse la guerre contre la Russie. C’est ainsi que l’Europe s’est trouvée conduite au point où elle est aujourd’hui et où il ne reste plus qu’à se demander comment finiront tous ces incidens divers, quelle sera l’issue de tous ces conflits, dont quelques-mis échappent déjà aux mains de la diplomatie. C’est le secret de l’année qui commence.

Pour le moment, et c’est là le don de joyeux avènement de l’année nouvelle, toutes les diflîcultés relatives à l’interprétation du traité de Paris semblent résolues. La conférence qui s’est ouverte aujourd’hui ne paraît pas même devoir se livrer à de grandes délibérations ; eie n’aurait qu’à adopter un protocole convenu d’avance. C’est bien assez des délibérations engagées entre les cabinets depuis six mois. Ces longues et pénibles négociations ont eu du moins un résultat heureux, puisqu’elles ont abouti à un arrangement que la conférence n’aura qu’à sanctionner, et qui fait disparaître toute mésintelligence. La Russie n’insiste plus décidément pour la possession de Bolgrad, et d’un autre côté elle reçoit une portion du territoire de la Moldavie qui ne lui était pas d’abord assignée. Que ces concessions mutuelles prennent le nom de compensation, ou qu’elles soient faites à tout autre titre, elles ont le souverain mérite de mettre un terme à des difficultés secondaires restées jusqu’ici recueil de la paix. L’acceptation du cabinet de Pétersbourg paraît être arrivée récemment, et si la conférence ne s’est point immédiatement réunie, c’est que le plénipotentiaire anglais, lord Cowley, attendait lui-même les pouvoirs qui lui étaient nécessaires. Maintenant on peut conclure sans doute de la solution de ces difficultés que l’Autriche quittera les principautés danubiennes, et que l’Angleterre rappellera ses vaisseaux de la Mer-Noire. Tout indique donc que l’exécution du traité de Paris est arrivée au terme de ses épreuves, et que la paix générale, si chèrement conquise va cesser d’être à la merci d’incidens secondaires. Quant aux affaires d’Italie, qui ont été une des préoccupations de l’année, elles semblent s’efTacer un peu depuis quelque temps ; l’intervention diplomatique de la France et de l’Angleterre à Naples a jusqu’à ce moment assez peu réussi pour que ces deux puissances éprouvent quelque hésitation et mesurent leurs démarches. Mais si sur quelques points les complications tendent à perdre de leur intensité, où sont donc les nuages menaçans ? L’affaire de Neuchâtel est devenue depuis quelques jours un de ces nuages noirs qui troublent et inquiètent. En peu de temps, elle s’est singulièrement aggravée, et, si on ne consulte que l’apparence, tout marcherait à un conflit.

Que voit-on, en effet ? Depuis que la Suisse a refusé l’élargissement immé-