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ment que la distance n’augmente. Ainsi la lune, qui est soixante fois plus éloignée du centre de la terre que ne l’est de ce même centre un corps pesant situé à la surface de la terre, fut reconnue par lui être attirée non pas soixante fois moins que les corps pesans ordinaires, mais bien soixante fois soixante fois moins, c’est-à-dire trois mille six cents fois moins. Dans le même temps où la lune se rapproche de la terre de un mètre, un corps tombant à l’ordinaire parcourrait 3,600 mètres. C’est ce qu’on appelle la loi du carré. J’en citerai un exemple familier dans le prix du diamant. Si un diamant d’un certain poids vaut par exemple 100 fr., un diamant de même qualité, mais d’un poids double, vaudra non pas deux fois plus, mais bien deux fois deux fois plus, ou quatre fois plus, c’est-à-dire 400 fr. Si ce second diamant pèse trois fois plus que le premier, il faudra dire trois fois trois, ce qui fait neuf, et le prix sera de 900 fr. Enfin, si le poids est décuple, comme dix fois dix font cent, le prix du diamant dix fois plus pesant sera cent fois 100 fr. ou 10,000 fr.

Une fois en possession du secret de la nature dans la loi régulatrice des mouvemens célestes, ce grand homme révéla aux savans étonnés le système du monde tout entier. Tout fut expliqué, pesé, mesuré, prévu. Le passé, le présent, l’avenir du monde matériel furent livrés au génie de l’homme. Les perturbations célestes, la précession des équinoxes, les mouvemens inextricables de la lune, la cause des marées, la forme des planètes, le balancement de l’axe de la terre, enfin mille connaissances transcendantes jugées inaccessibles à jamais à l’intelligence humaine furent apportées en tribut à l’humanité reconnaissante et ennoblie par des conquêtes si inespérées.

<pom>Dieu dit : Que Newton soit! et tout fut éclairci. </poem>


J’ai souvent pensé aux jouissances que les esprits d’élite, poètes, artistes, penseurs, savans, trouvaient dans la création de leurs chefs-d’œuvre, quand ils pouvaient, comme le créateur de la nature, contemplant ce qu’ils venaient d’appeler à l’existence, voir que cela était bon! Vidit Deus quod esset bonum ! Or, si jamais mortel a pu sentir les joies d’un légitime orgueil, c’est sans nul doute le révélateur de la grande loi de l’univers, la loi de la pesanteur universelle rapportée à une attraction spéciale.

Voilà, dira-t-on, du style un peu trop grandiose. Mais peut-il y avoir de l’excès en ce genre quand il est question de Newton, de ce Newton que l’on rabaisse quand on dit le grand Newton?

Eh bien! baissons d’un ton...,


suivant l’expression de La Fontaine, sans quitter le même sujet. Je visite un jour un de mes savans confrères, à qui je trouve un air triste et mortifié. « Hélas! me dit-il, je travaillais depuis plusieurs