Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 7.djvu/16

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voulez faire, et mettez-nous en mesure d’agir avec vous comme un bon allié, et envers les autres comme une puissance indépendante. Croyez que nous sommes pénétrés du sens de l’alliance et que nous pouvons vous rendre des services essentiels. » Puis il témoigne les plus vives alarmes des projets conçus par la Russie sur le grand-duché de Varsovie. Il confie à M. Otto que le tsar médite de réunir sous son sceptre toutes les parties de l’ancienne Pologne et d’en faire un royaume distinct dont il serait le roi. Désespérant en effet de relever leur patrie, la plupart des grandes familles polonaises, les Ojinski, les Sapieha, les Lubomirski, poussaient de toutes leurs forces au succès de ce hardi dessein. « Les Polonais, disait M. de Metternich, se laissent prendre à cette amorce ; ils sourient à la perspective du rétablissement de leur ancienne patrie sous les lois de l’empereur Alexandre. La Galicie n’a rien à redouter des Polonais seuls, ni même des Polonais soutenus par les Français ; mais il n’en serait pas de même s’ils l’étaient par la Russie. »

Le ministre autrichien ne parlait du chef illustre de la France qu’avec respect et attendrissement ; il s’alarmait des périls qui menaçaient incessamment une vie si précieuse. « S’il entrait dans les convenances de la France, disait-il, de rester pendant un an sur la Vistule, jamais les Russes ne pourraient franchir cette barrière ; mais c’est l’Allemagne, c’est la Prusse, c’est l’Autriche surtout qui souffrent cruellement d’un tel état de choses. Je ne doute pas que vous ne recommenciez la campagne prochaine d’une manière brillante ; mais en définitive à quel résultat vous mènera-t-elle ? Le peuple russe deviendra plus fanatique encore, plus remuant et plus opiniâtre ; il apprendra de vous à faire la guerre, et il profitera de vos leçons pour tomber tôt ou tard sur l’Europe et l’asservir. » Afin de nous amener à ce qu’il désirait, M. de Metternich n’employait pas seulement des paroles caressantes ; parfois il lui échappait des mots qui étaient presque des menaces. Il se complaisait à énumérer les forces militaires de l’Autriche ; il montrait tous les peuples germaniques soumis encore à l’autorité de la maison de Hapsbourg. « Le jour, disait-il, où l’Autriche serait forcée de lever son drapeau contre la France, cinquante millions d’hommes se rangeraient de son côté. »

Afin de remplacer provisoirement le prince de Schwarzenberg, l’empereur François envoya à Paris le comte de Bubna ; mais il lui donna pour instructions de ne prendre aucun engagement, de se borner à prêcher la paix et de tâcher de démêler à quelles conditions l’empereur Napoléon serait disposé à la conclure. Ce n’était point la médiation, c’était la coopération militaire de l’Autriche, sa coopération active et loyale, que Napoléon désirait obtenir. Le refus de cette puissance lui causa un très vif dépit, mais il sut le dissimuler. Elle se montrait du reste si confiante dans notre force, si alarmée des