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force, ce qui a toujours soulevé et soulève en ce moment même parmi eux de violentes réclamations. Il peut arriver, si les dépenses publiques suivent la même progression, que la taxe sur le revenu soit quelque jour établie en France ; ce sera un mal qu’il faudra savoir accepter pour en éviter un plus grand, ce ne sera jamais un bien. Rien n’est plus inutile et plus dangereux que les innovations financières, tant qu’elles ne sont pas indispensables. La véritable tendance, dans un pays bien ordonné, doit être beaucoup plus de réduire des impôts que d’en créer. Félicitons-nous d’avoir échappé jusqu’ici à la taxe sur le revenu, et ne l’acceptons que comme un exemple à suivre le plus tard possible. Quoi qu’il arrive dans l’avenir, le gouvernement de 1830 aura toujours la gloire d’avoir laissé les finances dans un état assez florissant pour que la république ait pu ajouter un milliard, et l’empire un milliard et demi à la dette nationale, sans que cette taxe soit devenue nécessaire.

La troisième loi qui a illustré la carrière politique de sir Robert Peel est son fameux acte de 1844 sur la banque. Cette matière est toute spéciale, délicate et difficile. Qu’il me suffise de dire que les jugemens, même en Angleterre, sont divergens. Les économistes radicaux n’approuvent pas l’acte de 1844, qu’on a été obligé de suspendre en 1847, et accusent sir Robert Peel d’avoir sacrifié en cette occasion le principe de liberté à la manie de réglementation ; les hommes pratiques le louent au contraire d’avoir préféré la prudence à la théorie.

En France, l’organisation des banques a suivi dès l’origine des règles analogues. Ce qu’a fait sir Robert Peel n’était pas à faire. Je n’examine pas la question de savoir s’il aurait fallu faire autre chose : il en est peu de plus obscures. Somme toute, le système adopté a réussi, et c’est surtout en fait de crédit que le mieux peut devenir l’ennemi du bien. Puisqu’en Angleterre, où les banques fonctionnent depuis deux cents ans, où l’esprit de précision et de calcul est général, un économiste aussi éminent que sir Robert Peel a cru devoir en venir à des mesures restrictives, il serait peut-être téméraire de condamner l’excès de précaution dans un pays comme le nôtre, où les banques sont beaucoup plus jeunes et où l’exagération du crédit a fait autrefois tant de victimes. La banque de Law, les assignats, voilà des souvenirs peu encourageans ; les idées de papier-monnaie avec émission illimitée, qui reparaissent de temps en temps et qui dénotent une si incroyable ignorance des faits les plus élémentaires, ne sont pas de nature à rassurer sur les conséquences possibles d’une plus grande liberté. Dans tous les cas, l’exemple de sir Robert Peel est beaucoup plus favorable que contraire au principe de réglementation et de centralisation. Ce principe