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relevant les courages trop prompts à se laisser abattre. Le jeune roi dom Pedro était populaire dès son avènement, il l’est bien plus encore aujourd’hui ; il a gagné cette popularité de l’affection reconnaissante d’un peuple, et ce souvenir restera indissolublement lié comme un heureux augure à ses premières années de règne.

Si dans l’échelle de la civilisation, dans le développement contemporain des sociétés, on cherche quelle place doit être faite aux États-Unis, la question ne laisse point d’être grave et difficile. Ne consulte-t-on en effet que la puissance de la race, l’énergie du caractère individuel, l’aptitude industrielle et commerciale, l’accroissement rapide, certes les États-Unis ont droit à l’un des premiers rangs. Se demande-t-on au contraire comment cette énergie est employée, sous quelles formes se produit cette exubérance d’activité et de force, alors, en dehors même de cette crise financière et commerciale dont les États-Unis ont donné le signal, on se trouve en présence de toute sorte d’incidens qui montrent sous un jour singulier cette vie américaine. Ici ce sont les mormons qui tiennent en échec l’autorité publique. Les mormons, on le sait, sont allés s’établir dans la vallée d’Utah, où ils vivent à peu près indépendans. Le gouvernement fédéral a voulu essayer de les réduire ; il a envoyé une petite expédition qui s’est péniblement dirigée vers ces contrées reculées où le mormonisme a fondé son empire ; mais le pontife mormon, le prophète Brigham-Young, s’est mis en résistance ouverte, sommant le chef des forces fédérales de déposer les armes, et comme la petite expédition, déjà insuffisante par elle-même, se trouve aventurée au milieu de ces régions inexplorées dans la plus rude saison, l’avantage reste jusqu’ici aux mormons et à Brigham-Young, qui font fleurir les mœurs libres près du Lac-Salé. Dans le Kansas, la question de l’esclavage met aux prises toutes les passions ; elle est à chaque instant sur le point d’être débattue par les armes. Vainement le cabinet de Washington a envoyé, il y a quelques mois, un gouverneur ferme et éclairé pour maintenir la sincérité des élections qui devaient décider si le Kansas appartiendrait à l’esclavage ou au travail libre. Ces élections ont eu lieu à l’abri de toute contrainte, et elles ont produit une majorité favorable à la liberté du travail. Tout semblait donc décidé ; mais une convention précédemment élue, et qui avait reçu la mission de faire une constitution, a reparu sur la scène : elle s’est réunie à Lecompton, et elle s’est proposé la tâche singulière d’arriver à ses fins malgré les libres manifestations de l’opinion, en obtenant par la ruse une victoire qu’elle n’a pu s’assurer encore par la force. En apparence, elle défère la question au peuple, en lui soumettant la constitution qu’elle a préparée ; en réalité, quel que soit le vote populaire, l’esclavage ne restera pas moins dans la constitution et dans les lois, de telle sorte que le conflit que le gouvernement de Washington croyait avoir apaisé se réveille plus ardent, plus dangereux que jamais. La lutte est toujours entre les partisans de l’esclavage et les partisans du travail libre, et cette lutte peut devenir sanglante, comme elle l’a été déjà. C’est la force seule sans doute qui décidera ce que deviendra le territoire du Kansas, théâtre restreint d’un antagonisme qui divise l’Union tout entière.

Un des épisodes les plus curieux peut-être de l’histoire actuelle des États-Unis est ce qui arrive aujourd’hui au sujet de l’aventurier Walker, l’ancien conquérant du Nicaragua. Walker, on s’en souvient, avait été expulsé de