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traçant le programme de la politique du gouvernement. Ce n’est pas toutefois, il faut le remarquer, qu’une session préliminaire ou extraordinaire, ayant principalement pour objet la solution de diverses questions du moment, et réservant les questions plus contestées à l’occasion desquelles peuvent s’engager les grandes batailles parlementaires.

Tel est au premier aspect, et sauf l’imprévu, le caractère de la session actuelle des chambres anglaises. C’est ce qui donne peut-être aux discussions qui ont eu lieu jusqu’ici une certaine apparence d’escarmouches encore plus que de luttes sérieuses. Par le fait, deux questions d’un intérêt exceptionnel et immédiat, la suspension de la charte de la Banque et les affaires des Indes, étaient l’objet d’une mention spéciale dans le discours de la reine, et c’est sur ces deux questions que les conversations se sont engagées, dans le parlement sans que l’opposition ait paru vouloir ouvrir une attaque décisive contre le ministère. Les chefs de l’opposition, lord Derby dans la chambre des pairs et M. Disraeli dans la chambre des communes, n’ont point ménagé sans doute les censures à lord Palmerston : ils ont pris ce qu’on peut appeler leur position de combat ; mais il n’y a point de bataille, et lord Palmerston supporte philosophiquement les critiques railleuses de M. Disraeli. Il s’agissait d’abord de la suspension de la charte de la Banque. Le ministère, comme on sait, a autorisé la Banque d’Angleterre à augmenter l’émission de ses billets au-delà de ce que permettaient ses statuts. Cette mesure une fois adoptée, sous le coup de circonstances impérieuses, pour faire face à la crise commerciale, il restait à demander au parlement un bill d’indemnité. Seulement l’opposition, allant au fond de la question, a demandé à son tour quelle était la valeur d’une charte qu’on est obligé de suspendre toutes les fois que les circonstances s’aggravent, et qui a été effectivement l’objet de plusieurs mesures de ce genre depuis qu’elle existe, c’est-à-dire depuis 1844. Le principe même de la charte s’est trouvé dès lors mis en cause, et c’est dans ce sens que M. Disraeli a présenté une motion, tandis que le chancelier de l’échiquier, en réclamant son bill d’indemnité, s’est borné à demander la nomination d’un comité d’enquête chargé d’examiner si les statuts de la Banque ne pourraient pas être modifiés de façon à laisser au gouvernement le droit de suspendre temporairement la charte de 1844, sans avoir à recourir à une sanction rétrospective du parlement. La proposition du chancelier de l’échiquier a été votée, et le bill d’indemnité a été accordé. Régulariser cette situation, c’était là peut-être dans la pensée du ministère le premier et unique motif de la réunion actuelle des chambres.

Mais, le parlement une fois réuni, comment éviter cette terrible question des Indes, qui depuis six mois se dresse devant l’esprit de tout Anglais ? Le gouvernement n’a pas cherché à l’éviter, comme aussi il ne fait rien pour aller au-devant d’un débat qui pourrait n’être point sans dangers, et, chose à observer, l’opposition anglaise semble tenir la même conduite. Ce n’est pas que l’opposition n’ait bien des prétextes de faciles attaques : elle n’aurait point à chercher longtemps pour trouver les parties faibles et vulnérables dans l’administration de la compagnie des Indes, comme dans les actes du gouvernement lui-même, et cependant il est visible qu’elle n’est pas pressée de provoquer cette grande enquête, qui s’ouvrira quelque jour. Aussi voit-on les discussions s’engager sur des points relativement secondaires, sur des détails,