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Adalbert, l’homme qui a eu la plus grande influence sur l’art musical en Pologne, c’est Nicolas Gomolka, dont le Psautier, imprimé à Cracovie en 1580, est une imitation du style de Palestrina. Gomolka vivait sous le règne d’Etienne Botarij, et il alla étudier la composition en Italie. Un amateur distingué de Varsovie, M. Joseph Gichoçki, a traduit en notation moderne quelques-uns des psaumes de Gomolka à quatre parties. Le Psautier de Gomolka renferme cent cinquante psaumes, dont M. Sowinski reproduit quelques-uns, qui donnent une haute idée du savoir de ce maître polonais. Au XVIIIe siècle, un autre compositeur, Mathias Kamienski, né en Hongrie, a été le créateur de l’opéra en langue polonaise, dont le premier spécimen fut représenté sur le théâtre de Varsovie en 1778 sous le titre de Misère consolée. Enfin Joseph Elsner, qui n’est pas non plus Polonais de naissance, continue l’œuvre de Kamienski, et fonde une école de musique à Varsovie sur le modèle du Conservatoire de Paris. Joseph Elsner a été le maître de Chopin et d’un grand nombre d’artistes distingués. — De ce coup d’œil rapide jeté sur l’histoire de l’art musical en Pologne, il résulte qu’il n’y a pas eu et qu’il n’existe pas à proprement dire d’école polonaise. C’est sous la double influence d’abord de l’Italie, puis de l’Allemagne, que les artistes polonais se sont instruits et ont développé leurs talens. De nos jours, excepté Chopin, qui est un artiste de génie, les musiciens polonais ne se distinguent par aucune propriété nationale des autres musiciens de l’Europe. Comme leurs compatriotes, qui parlent sans accent presque toutes les langues étrangères, c’est aussi sans un accent bien reconnaissable qu’ils imitent les arts des nations plus heureusement douées.

Indépendamment de son utilité pour l’histoire générale de la musique, l’ouvrage sur les musiciens polonais, qui renferme un grand nombre d’articles intéressans, remplit une lacune dans l’histoire particulière des arts et de la civilisation en Pologne. Ayant à traiter le premier un sujet difficile, M. Sowinski a consacré vingt années de sa vie à réunir les matériaux épars de son dictionnaire, qui suppose une vaste lecture et une persévérance infatigable. Dans un livre qui renferme des élémens si divers, M. Sowinski n’a pu échapper sans doute à quelques inexactitudes et à un excès de patriotisme qu’on lui pardonne plus volontiers. L’auteur rattache, un peu arbitrairement, à l’histoire de la Pologne une foule de compositeurs célèbres qui ne lui appartiennent que d’une manière indirecte. Paisiello par exemple, pour avoir séjourné quelque temps à Varsovie à son retour de Saint-Pétersbourg, en 1784, et pour y avoir composé un opéra italien, la Finta Amante, n’en est pas moins un bel oiseau de passage qui a vu le jour et qui est mort dans le royaume de Naples. Nous en dirons autant de Hasse et de sa femme Faustina, qui étaient attachés à la cour de Saxe bien plus qu’à celle de Pologne, où ils n’ont fait que de rares apparitions. M. Sowinski dit, à l’article d’Antonia Campi, cantatrice polonaise, qu’elle a créé le rôle de dona Anna dans le Don Juan de Mozart. C’est une erreur où il a été induit par l’article de la Biographie universelle des Musiciens de M. Fétis. C’est pour Mme Teresa Saporiti que fut composé ce rôle admirable, ainsi qu’on peut le vérifier dans notre travail sur le chef-d’œuvre de Mozart. Nous aurions aussi à reprocher à M. Sowinski de s’être trop complaisamment étendu sur certains artistes contemporains, qui n’auront pas pour la postérité l’importance que leur accorde