et médiocrement studieux, auquel on ne pouvait refuser une vive intelligence, mais qui ne tirait point parti de ses facultés. Il esquivait le plus qu’il pouvait les leçons des professeurs, et il employait le temps qu’il dérobait aux études à regarder les passans, assis sur le seuil de Trinity-College, ou dans sa chambre à lire de bons auteurs anglais. Il se prenait parfois d’une ardeur extrême pour le grec, puis le délaissait des mois entiers. S’agissait-il de rendre en vers une ode d’Horace ou un morceau de Virgile, personne ne pouvait s’en acquitter aussi bien que lui : en revanche, il avait en aversion les mathématiques, qui étaient en grand honneur à l’université, et il ne goûtait guère mieux la métaphysique. « À cette époque, dit l’homme noir en parlant de ses études, mon imagination et ma mémoire étaient loin d’être rassasiées, et elles étaient plus impatientes d’acquérir des connaissances nouvelles que désireuses de raisonner sur celles que j’avais déjà. »
C’était pour Olivier un grand sujet de chagrin que d’être boursier : il en était d’autant plus mortifié, qu’il avait retrouvé à l’université des camarades de pension, des voisins, et même des parens éloignés. Les obligations imposées aux boursiers froissaient sa fierté ; il en garda toujours un souvenir pénible, et il y fait allusion dans plusieurs de ses ouvrages. « N’est-ce point l’orgueil lui-même, dit-il dans son Essai sur la Littérature polie, qui a soufflé aux professeurs de nos universités l’absurde fantaisie de se faire servir à leurs repas et dans d’autres occasions publiques par les pauvres jeunes gens qui, désireux de s’instruire, profitent des bourses fondées par la charité. Quelle contradiction que d’enseigner aux gens les arts libéraux et de les traiter en même temps comme des esclaves, de leur faire étudier la liberté et pratiquer la servitude ! » La pénurie vint bientôt s’ajouter à ses autres ennuis ; il perdit son père quelques mois après son entrée à l’université, et les petits envois d’argent qui lui étaient faits quelquefois par sa famille cessèrent entièrement ; il lui aurait même fallu quitter l’université sans un peu d’aide que lui donna son oncle Contarine. Aussi il lui arriva plus d’une fois de mettre en gage ses effets et ses livres, quand il s’était laissé aller à quelque dépense imprudente. Ce n’est point qu’il cherchât à se procurer des plaisirs que sa position de fortune lui interdisait ; mais, bon, généreux et confiant, il se laissait aisément dépouiller du peu qu’il possédait par des amis peu scrupuleux. Les pauvres surtout étaient pour ses modestes finances une cause perpétuelle de ruine. Dès cette époque, il lui était impossible de rencontrer un malheureux sans lui donner tout ce qu’il avait d’argent. Les mendians de Dublin le reconnaissaient à son costume de boursier, à sa robe noire sans manches, à son chapeau rouge, et lui faisaient fréquemment