Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 12.djvu/850

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

modifications les plus légères, les retouches les plus insignifiantes, lui suffisent pour multiplier et diversifier ses œuvres à l’infini. Prenons pour exemple deux de ces groupes, tellement naturels que le vulgaire lui-même y rapporte sans hésiter les espèces qui en font partie. Examinons la classe des oiseaux et celle des insectes. Existe-t-il dans la première d’une extrémité à l’autre quelque différence essentielle ? Non, partout dans ce groupe l’organisme se compose des mêmes matériaux juxtaposés dans le même ordre. À l’intérieur quelques variations légères dans les proportions, à l’extérieur les teintes multipliées du plumage ont suffi pour caractériser plus de sept mille espèces. Chez les insectes, les faits sont plus frappans : l’ordre auquel appartiennent le hanneton et les scarabées compte à lui seul plus de quarante mille espèces déjà inscrites dans les catalogues entomologiques, et on en découvre chaque jour de nouvelles. Eh bien ! il n’existe pas entre elles plus de différences qu’entre les espèces d’oiseaux. Au reste, ce n’est pas seulement dans la création actuelle que se manifeste le fait que nous signalons, on le retrouve tout aussi évident quand on examine les faunes les plus anciennes. Là aussi la nature semble s’être posé le problème de multiplier à l’infini les différences tout en changeant le moins possible les matériaux et la mise en œuvre. Des premiers âges paléontologiques jusqu’à nos jours, on la voit obéir à ces deux lois en apparence opposées, la loi de variété et la loi d’économie. Rechercher les moyens employés pour satisfaire à l’une et à l’autre, tel est le but principal de l’ouvrage que nous examinons.

Au premier rang des causes de variété, il faut placer l’inégalité dans la perfection avec laquelle s’accomplissent les fonctions. On sait depuis longtemps que dans le règne animal, considéré à ce point de vue, il existe des espèces supérieures et des espèces inférieures, que de l’éponge au mammifère la distance est immense, et comblée par des milliers d’intermédiaires. Des faits pareils se présentent dans chacun des groupes primaires et secondaires. Là aussi, la supériorité et l’infériorité relatives se manifestent clairement de la première à la dernière des espèces. Enfin l’individu n’est pas toujours égal à lui-même. De l’état de germe à celui d’embryon, de nouveau-né, d’enfant et d’adulte, l’homme parcourt une échelle immense, change sans cesse, gagne à chaque pas. Ainsi, pour satisfaire à la grande loi de variété dans l’ensemble comme dans les détails, la nature avant tout perfectionne. Déterminer les procédés de ce perfectionnement est donc d’une haute importance : c’est par là que commence M. Edwards, et il est inutile de faire remarquer ce qu’il y a de profondément physiologique dans ce point de départ.

Usant d’une comparaison qui revient souvent sous sa plume, l’auteur