Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 12.djvu/846

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus remarquables. Empruntant à la physique ses verres grossissans et ses microscopes, à la chimie ses réactifs, elle a poussé presque à ses limites extrêmes l’étude des tissus, et sous le nom d’histologie est devenue en quelque sorte une science à part, qui se rattache intimement à la physiologie. Les naturalistes, restés trop longtemps en arrière, rejoignent aujourd’hui les médecins sur ce terrain, qui doit être commun ; et la science gagne chaque jour, en enregistrant tantôt les différences et tantôt les ressemblances très grandes que le règne animal présente à ses deux extrémités dans les élémens anatomiques premiers de l’organisation.

L’histoire du développement des animaux, l’embryogénie, a fait aussi d’immenses progrès, dus surtout aux zoologistes. Entre les mains de nos devanciers, elle s’arrêtait volontiers aux oiseaux ou aux reptiles. De nos jours, elle s’est adressée à tous les embranchemens, à toutes les classes. De grands résultats ont été le fruit de ces efforts. La connaissance des métamorphoses s’est agrandie et étendue ; des phénomènes entièrement nouveaux ont été découverts. Les doctrines ont pu se raffermir et devenir générales. J’ai naguère essayé dans ce recueil de formuler à mon point de vue l’ensemble de ces faits, et je ne puis aujourd’hui que renvoyer le lecteur à ces travaux[1]. Pourtant je crois devoir consigner ici un fait capital constaté depuis l’époque où ils parurent. On n’avait alors remarqué chez aucun vertébré à l’exception des batraciens, de métamorphoses proprement dites. On a depuis découvert ce mode de développement chez les poissons. L’ammocèle, si commune dans nos ruisseaux, et regardée jusque-là comme le dernier représentant de sa classe, n’est pas un animal parfait ; elle n’est que la larve de la lamproie. Dans les deux dernières classes de vertébrés, on rencontre donc des espèces à développement en partie extérieur. C’est là un caractère de dégradation qu’il faut ajouter à tous ceux qui établissent la supériorité relative des oiseaux et des mammifères.

Le fait seul de ces travaux histologiques et embryogéniques accuse chez les zoologistes de notre époque des préoccupations physiologiques généralement bien étrangères à leurs prédécesseurs ; mais cette tendance me semble encore plus caractérisée par l’entraînement si marqué vers l’étude des animaux inférieurs, et surtout vers celle des espèces transparentes. Ici la machine animale, se démontant pour ainsi dire pièce à pièce, finit par ne plus conserver que les organes fondamentaux, et la nature intime des fonctions se laisse bien mieux pénétrer. Armé du microscope, l’œil peut aller

  1. Voyez, sur les métamorphoses, les livraisons des 1er et 15 avril 1855, des 1er et 15 juin, et du 1er juillet 1856.