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on s’est enquis des actes accomplis par les animaux. Plus tard, on a voulu savoir comment étaient construites ces admirables machines vivantes ; plus tard encore, comment elles fonctionnaient. De là trois routes ouvertes aux naturalistes. La première conduit à l’étude des instincts et des mœurs, à tout ce qu’on désigne généralement sous le nom d’histoire naturelle. Cette branche de la zoologie, que n’ont presque jamais négligée entièrement les nomenclateurs eux-mêmes, compte dans ses annales scientifiques quelques noms vraiment illustres, et par-dessus tous celui de Réaumur[1], qui dans l’étude des insectes poussa jusqu’au génie l’art de l’observation et de l’expérimentation. La seconde aboutit à l’anatomie, la troisième à la physiologie. Pour compléter cette revue rapide, il nous reste à parler de ces deux sciences que nous envisagerons seulement dans leurs rapports avec l’étude des animaux.

La zoologie anatomique, dans le sens qu’on attache aujourd’hui à ces mots, est une des acquisitions les plus modernes de l’esprit humain. La tradition anatomique d’Aristote et de Galien ne s’était, il est vrai, jamais perdue. Grâce aux médecins arabes et juifs, elle avait traversé tout le moyen âge et s’était retrouvée entière à la renaissance ; mais si le philosophe grec avait cherché dans la structure organique des animaux le point de vue vraiment scientifique, le médecin romain, on le sait, l’avait étudiée à peu près uniquement pour parvenir à deviner celle de l’homme lui-même et faire de cette connaissance des applications à son art. Au XVIe siècle, les disciples de Galien, les Sylvius et les Vésale[2], animés du même esprit et pouvant disséquer des hommes, négligèrent les animaux. Ils fondèrent l’anatomie humaine, qui grandit et se développa avec la médecine et la chirurgie. Bientôt cependant quelques médecins savans, et qui s’occupaient de physiologie, comprirent que pour bien connaître l’homme il fallait ne pas le connaître seul, que des doctrines générales devaient s’appuyer sur autre chose que sur un exemple isolé. Telles furent les raisons qui ramenèrent à l’examen des espèces animales les Perrault, les Rédi, les Duverney[3]. Ceux-ci eurent des imitateurs. À leurs travaux vinrent se joindre des monographies assez nombreuses, si bien que Linné put attacher à chacune de ses six grandes classes un certain nombre de caractères anatomiques. Toutefois ces matériaux épars, que rien ne reliait les uns aux autres et que séparaient d’immenses lacunes, ne constituaient pas une science. En faire à la zoologie une application quelque peu régulière eût été impossible. C’est alors que Cuvier se mit à l’œuvre et produisit deux

  1. 1683-1757.
  2. 1514-1572, — 1514-1564.
  3. 1613-1688, — 1626-1697, — 1648-1730.