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ses disciples grecs ; le premier, il en a signalé les applications pratiques et démontré l’utilité. La science devait conserver longtemps ce caractère. Si les philosophes persans et les médecins arabes s’occupèrent des animaux, ce fut surtout pour leur demander des médicamens. Le foie, le cœur, le sang, le cerveau, les productions cutanées de certaines espèces, la chair tout entière de certaines autres entrèrent dans les formules si compliquées qui surchargeaient les pharmacopées du moyen âge, et il serait inutile de rappeler ici toutes les vertus attribuées à ces besoards, à ces œgagropiles qui, d’après les démonstrations de la science moderne, ne sont autre chose que des concrétions calcaires ou des amas de poils feutrés.

Avant de subir avec toutes les sciences le long temps d’arrêt qu’imposèrent à l’esprit humain la barbarie et le moyen âge, l’étude des animaux avait déployé à Rome même deux tendances presque opposées, quoique se rattachant toutes deux aux instincts utilitaires. Avec Galien[1], elle était devenue à peu près exclusivement anatomique. Médecin avant tout, ce grand homme ne chercha guère qu’à éclairer l’histoire de l’homme, et s’il disséqua des animaux, ce fut parce qu’il ne pouvait ouvrir des cadavres humains. En anatomie, en physiologie, il fut l’égal et parfois le supérieur d’Aristote ; mais il lui importait peu de décrire les espèces connues, d’en découvrir de nouvelles, de s’enquérir de leurs instincts, de leurs mœurs, de leurs usages domestiques. Tel fut au contraire le but d’Oppien[2] et d’Iilien[3], que Cuvier a appelés les derniers naturalistes de l’antiquité. Entre leurs mains, la science se fit presque uniquement descriptive et narrative ; elle devint ce que le vulgaire entend par les mots d’histoire naturelle.

Le moyen âge fit aussi de la zoologie une application bien différente, et toute spiritualiste. Aristote, à qui rien semble n’avoir échappé de ce qui peut se concevoir en zoologie, avait cherché dans l’étude comparée des êtres des notions sur la vie des plantes et des animaux, sur le principe immatériel qui anime l’homme lui-même, sur la cause intelligente qui a créé le monde. De grands esprits le suivirent dans cette voie, et plus qu’aucun autre cet Albert de Bollstœdt[4], à qui la postérité n’a pas trop disputé le surnom de grand que lui décernèrent ses contemporains. Albert voulut donner la science pour fondement à la théologie, et il consacra à la zoologie en particulier un grand ouvrage, remarquable à bien des titres, quoique calqué sur celui de son maître. La thèse fondamentale y

  1. 131-201 après J.-C.
  2. Né vers 220. On ignore l’époque de sa mort.
  3. Né vers 180, mort âgé de trente ans.
  4. 1193-1280.