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avec sa queue traînante et ses ailes étendues, le faisan magnifique s’élance d’un rapide essor, ainsi que le volatile aux cent couleurs, dont les dames d’Ava prisent tant le plumage. »


Peut-être, lecteur français, ces noms étrangers, cet amas de vives couleurs vous semblent-ils monotones comme les deux qu’ils rappellent ? Mais l’âme du poète va reparaître dans quelques vers tout anglais de sentiment et de paysage :


« Jamais si riches ombrages et pelouses si verdoyantes n’ont tressailli sous les pas de nos danses britanniques, et cependant qui de nous s’est arrêté sous les berceaux indiens, et n’a pas aussitôt songé aux vertes forêts de l’Angleterre, et sous l’ombre des palmiers n’a pas béni les noisetiers de la terre natale, sa clairière d’aubépine, et soupiré la prière, tant de fois inutile, de pouvoir encore contempler les chênes de ses bois ?

« Mais trêve à cette pensée. Le cri du chacal retentit comme l’écho d’une orgie sauvage, et à travers les arbres le rayon là-bas pâlissant prête un faible secours à guider notre marche. Regarde cependant : à mesure que s’efface l’éclat des astres d’en haut, chaque bouquet de bois ouvre sur nous des milliers de regards, en face, à nos côtés, sur nos têtes ; la mouche de feu promène sa flamme d’amour, et, dans sa fuite, sa poursuite, son vol en bas, en haut, explore l’obscurité du bois, tandis que, sous un souffle plus frais, le datura,se dévoilant, ouvre son large sein d’une senteur embaumée et d’une virginale blancheur, tel qu’une perle suspendue alentour des boucles de la nuit.

« Comme nous marchons encore, au milieu des bourdonnemens affaiblis, nous arrivent le long des avenues agitées par la brise la chanson du village, le bruit des cors et des tambours. Comme nous marchons encore, du buisson et de la bruyère, la grêle cigale fait crier son luth. Et quelle est cette autre voix dont le son clair vibre au loin dans la moisson de cannes à sucre ? Je reconnais cet accent qui monte et qui pénètre l’âme : c’est, ce doit être Philomèle.

« Assez, assez ! Déjà le bruissement des arbres annonce une pluie à la suite de la brise ; les flammèches d’un ciel d’été ont pris une teinte plus profonde et plus rouge : la lampe qui là-bas tremblote sur le fleuve projette de notre cabine son rayon vers nous, et il nous faut reposer de bonne heure pour trouver au réveil le vent salubre du matin. Oh ! mais nous devons avouer que même ici peut se trouver le bonheur, et que celui qui est le maître bienfaisant nous adonné sa paix sur la terre, et son espérance pour le ciel. »


Le pieux ministre qui, même dans les effusions de sa tendresse domestique, avait toujours la sévère douceur de la pensée chrétienne, ne la perdait guère, on peut le croire, dans ses travaux et ses études. Les poésies de sa jeunesse nous offrent en vers élégans quelques versions des hymnes de Pindare, des bardes du Nord, ou des poètes d’Asie ; mais les grands souvenirs de la Bible et les fêtes de l’église chrétiennes sont sa plus touchante inspiration.