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étudie sans prévention cette statue de Persée, on appréciera aisément la distance qui la sépare des travaux laissés par la plupart des anciens maîtres et par quelques maîtres du XVIe siècle. Nous dirons seulement que notre époque même a vu se produire des œuvres supérieures à celle-ci, et que, toute proportion gardée entre des difficultés matérielles inégales, la belle figure de Pyrrhus, dans le groupe où Bartolini a représenté la Mort d’Astyanax, est traitée avec une autorité plus réelle, avec une science bien plus sûre que la figure modelée par Cellini.

Malgré ses graves défauts cependant, le Persée a des titres moins douteux à l’estime qu’aucune autre œuvre de la même main. C’est ici qu’on pourra le mieux apprécier le talent de l’orfèvre, car par le goût et le caractère de l’exécution, cette figure et le piédestal qui la supporte sont encore une grande pièce d’orfèvrerie plutôt qu’un monument de la statuaire ; c’est ici surtout qu’on reconnaîtra les témoignages, fort équivoques ailleurs, d’une application sérieuse, d’un véritable respect pour l’art dans ses conditions élevées. Un pareil progrès s’explique, et, si tardif qu’il ait pu être, il n’y a que justice à le constater. Jusqu’au jour où il fit le Persée, comblé de faveurs en tous genres, entouré d’hommes qu’il avait amenés de gré ou de force à se fier pleinement à lui, Benvenuto Cellini s’était mis en devoir seulement d’exploiter son heureuse fortune. Comment aurait-il pris le temps et la peine de méditer patiemment ses ouvrages, alors qu’une grande part de sa vie était donnée aux intrigues ou aux plaisirs, et que la renommée, l’argent, tout ce dont il était avide venait à lui sans contestation et presque sans effort ? Point de luttes, sinon quelques rivalités où il n’y avait en jeu que l’amour-propre ; point d’ambition digne d’un artiste, mais les vœux, trop bien exaucés, d’un cœur vaniteux ; point de souffrances enfin, sinon les inquiétudes d’un homme qui s’agite pour se maintenir en crédit. Un jour vint où Cellini connut de plus nobles douleurs, où, son cœur s’ouvrant à une passion plus haute, il engagea courageusement avec l’idéal ce combat mystérieux qu’il avait décliné jusque-là pour des tâches moins pénibles, pour des succès moins incertains. On ne saurait dire, en face du Persée, que Cellini soit sorti victorieux de la lutte ; mais il a eu du moins l’honneur de la tenter et de poursuivre en vue de l’art une tâche qu’il eût accomplie, quelques années auparavant, les yeux tournés vers un tout autre but. Est-ce assez toutefois ? Suffit-il d’avoir, à un moment de sa vie, fait acte de zèle, pour conquérir une place à côté de ceux dont l’existence, tout entière a été vouée à des efforts semblables, et, telle qu’elle est, la statue de Persée assure-t-elle à l’artiste qui l’a produite les mêmes droits qu’aux grands artistes de l’école italienne ?