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agrémens du style, et faut-il, en considération de quelques détails, passer condamnation sur le fond même et sur les erreurs de principe ? Mieux vaudrait au contraire que ces détails fussent traités moins délicatement, et que les formes eussent entre elles une corrélation plus directe, plus complète à tous égards, car elles diffèrent ici d’âge et de caractère, comme elles manquent de justesse dans les proportions. Certes, le goût de l’exécution l’atteste, Cellini, en modelant sa statue, se préoccupait fort des exemples antiques : n’est-il pas étrange qu’il ait négligé de les suivre précisément là où il importait le plus de s’y conformer, et ne doit-on pas voir un véritable signe d’impuissance dans ce mélange d’incorrection radicale et de curiosité minutieuse ? Je sais bien que, sur le premier point, les grands maîtres eux-mêmes ne sont pas toujours irréprochables. Sans chercher plus loin des preuves, le David de Michel-Ange, qui avoisine le Persée sur la place du Palais-Vieux, ne se recommande pas, on le sait, par un sentiment très pur de l’harmonie ; mais il y a dans la disproportion même des formes de ce colosse, dans la bizarrerie avec laquelle ses membres sont assemblés, quelque chose de profondément instinctif, de puissant, de voulu. Le dessin général, si invraisemblable qu’il soit, a du moins sa signification propre, et, tout en ne les acceptant qu’à demi, on ne peut s’empêcher d’admirer des incorrections si fières. Cellini ne connaît pas de tels entraînemens. Chez lui, l’erreur procède non d’un excès de hardiesse, mais d’une faculté d’observation peu étendue. En s’efforçant d’être vrai, il n’envisage qu’isolément chacun des morceaux à traduire, et son attention, trop concentrée sur ces vérités de détail, n’a plus de forces pour les relier entre elles et leur imprimer un caractère uniforme. De là les mérites partiels du Persée et l’imperfection de l’ensemble. À les examiner un à un plusieurs fragmens paraîtront dignes d’éloges. La tête, coiffée d’un casque où l’imprévu de la forme s’allie à une singulière délicatesse de style, est jeune par les traits, virile par l’expression. Le bras qui tient l’épée est modelé avec fermeté, dans la partie supérieure surtout, et, sauf quelque raideur dans les attaches, le dessin du torse a de la noblesse ; mais si l’on embrasse le tout d’un seul coup d’œil, quel désaccord entre ces diverses parties ! Comment admettre que des jambes aussi vulgaires supportent ce corps héroïque, qu’un bras dessiné avec ce sentiment fin de la vérité se termine par une main aussi dépourvue d’élégance, et que çà et là une dépression des muscles accusant presque la sénilité puisse correspondre au caractère tout opposé de certaines formes, à la jeunesse du visage par exemple ? Nous ne répéterons pas ici ce que nous avons dit déjà de l’infériorité de Cellini lorsqu’on le compare aux sculpteurs italiens ses prédécesseurs, ou aux sculpteurs français du temps de la renaissance. Pour peu qu’on