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texte une composition suffisamment ingénieuse, des élémens pittoresques choisis avec à propos ; mais on serait mal venu à croire Cellini sur parole, quand il s’applaudit de l’art avec lequel ces élémens sont mis en œuvre, ces principes de composition développés. Il y a dans l’aspect de l’ensemble quelque chose de grêle et de lourd en même temps, dans les lignes un certain trouble qui fait hésiter le regard, et l’empêche de saisir une silhouette générale, un galbe bien défini. L’angle ouvert que forment les deux figures de la Mer et de la Terre, assises chacune de son côté et se penchant un peu en arrière, est accidenté par la saillie des jambes, qui se replient, sans qu’il résulte de cette combinaison de formes rien de plus qu’une agitation inutile. L’enchevêtrement massif des animaux accumulés entre la base et les figures fait ressortir d’autant plus les lignes à la fois lâches et tourmentées de celles-ci. Ajoutons que le dessin du groupe principal offre le même mélange de recherche excessive et de mollesse. La figure de la Mer et celle de la Terre n’ont pas moins chacune de vingt ou vingt-cinq centimètres : leurs dimensions, si restreintes qu’elles soient, ne pouvaient faire obstacle à une expression plus large de la forme, et les statuettes que nous a léguées l’antiquité montrent assez que l’ampleur du modelé ne dépend pas de la grandeur du champ où l’on opère. Si donc Cellini n’a pas mieux rempli sur ce point les conditions de sa tâche, la faute ne peut être imputée qu’à lui. Quant aux travaux d’un ordre plus directement matériel, quant aux opérations qui exigent l’infaillibilité de la main et une expérience profonde des procédés, la salière de François Ier prouve que Cellini excellait à les accomplir. Nul ne sut mieux que lui associer l’émail à l’or, exprimer curieusement un détail avec l’outil le plus rebelle, en un mot résoudre, sinon les difficultés de l’art, au moins toutes les difficultés du métier. C’est en cela, il faut le redire, que consiste sa vraie supériorité ; c’est là le genre de mérite que mettent en relief, aussi bien que les ouvrages dont nous avons parlé, les coupes conservées aujourd’hui dans le cabinet des Gemme à Florence, le médaillon en or ciselé et émaillé que l’on voit dans la collection de Vienne, et qui représente les amours de Jupiter et de Léda, d’autres pièces encore qu’il faudrait citer à côté de celles-ci, si l’on ne craignait de multiplier les exemples outre mesure. Le tout, remarquable au point de vue de la fabrication, n’a, au point de vue de l’art, qu’un intérêt bien moindre, une valeur très souvent contestable, et le plus sûr est de chercher ailleurs des modèles d’imagination, de goût pur et de style.

Mais, dira-t-on, c’est prendre bien au sérieux ce qui n’a en soi qu’une portée et un caractère fort peu graves. Est-ce quand il s’agit de pièces d’orfèvrerie et de bijoux qu’il convient de demander à l’art